Il y a
presque 40 ans, Jean-Luc Vellut, Médard Kilola Lema et moi-même avons publié
dans les Études d'Histoire africaine, dont Jean-Luc Vellut fut fondateur
et directeur, l’article « Documents pour servir à l'histoire sociale du
Zaïre. Grèves du Bas-Congo en 1945 ».2
Cette publication commune constitue l’occasion3
trouve un prolongement dans la présente réflexion consacrée aux voies
congolaises de domestication de la modernité au cours du long XXe siècle. Nous
n’examinerons pas ici toute l'historiographie de cette question, l’entreprise
aurait été trop ambitieuse et le résultat demanderait trop de pages pour
l’exposer. Nous proposons donc au lecteur de nous appuyer sur les travaux de
Jean-Luc Vellut, à qui ce volume rend un hommage si mérité.
Commencer
en invoquant l’article à six mains, donne la possibilité d’une
rencontre virtuelle à trois, entre Médard Kilola Lema, ancien
étudiant au Département d’Histoire de l’UNAZA-Lubumbashi où
nous avons enseigné, il est aujourd’hui enseignant d’expérience,
Jean-Luc Vellut et moi-même, respectivement retraités de
l’Université catholique de Louvain et de l’Université Laval de
Québec. Comme ceci arrive souvent dans la vie, y compris dans l’activité professionnelle, un hasard est à l’origine de cette rencontre virtuelle. Récemment, Médard Kilola Lema m’a fait parvenir le récit de vie de son grand-père rédigé en kikongo par le fils de celui-ci, puis traduit en français par le petit-fils, lui-même. La synchronie entre ma compréhension de ce récit autobiographique et les publications en cours de Jean-Luc Vellut portant sur le début de l’église kimbanguiste m’a frappé. J’y vois plus qu’une coïncidence, car, dans la société congolaise c’est un mouvement de fond auquel répond la recherche universitaire et un nombre considérable de publications. Malheureusement, la longue crise de l’institution universitaire congolaise fait que ce sont plutôt les chercheurs étrangers qui s’y attardent.
Au Congo, il s’agit d’une vague de fonds portée depuis le début des années 1990 par le recours croissant à l’expression publique d’une expérience personnelle. Durant une décennie, le contexte de cette affirmation de soi sous forme de témoignage public trouvait presque exclusivement une justification religieuse. Dans la tradition du christianisme réformé, les personnes tant ordinaires que publiques s’acquittaient d’une dette à l’égard de l’Esprit-Saint, Lui rendant grâces sous forme de témoignage.
Les personnes ordinaires, parmi elles de nombreuses femmes, témoignent de cette expérience – habituellement un récit d’expérience de malheur dont une intervention accidentelle et inattendue (de l’Esprit-Saint) les sauve. Les personnes publiques ou qui prétendent à ce statut publient, presque toujours à compte d’auteur et autant que possible à l’étranger, leurs mémoires organisés selon la même trame narrative. Ayant péché, par exemple puisqu’elles ont fait parti de l’entourage de l’ex-président Mobutu, elles se présentent comme ayant retrouvé la juste voie grâce à l’intervention de l’Esprit-Saint. Cette « élection » les libère du poids du passé et leur accorde une « virginité » et une légitimité politique. Sakombi Inongo a ouvert ce chemin, ayant recours aux grands mais « traditionnels » moyens lançant une revue destinée à glorifier l’Esprit-Saint et assurer la présence publique à lui-même en tant que nouvelle personne4.
Les deux voies, chacune s’adressant à son public constitué dans le premier cas par la communauté de membres d’un groupe de prière ou église et dans le second par la nation politique, permettent d’atteindre le même objectif. L’auteur s’y présente comme individu dont l’expérience lui a attiré une reconnaissance à titre personnel de « sa » communauté par la médiation d’une force (Esprit-Saint) universelle, donc globale.
Nous sommes au cœur d’un nouveau processus de construction d’un soi moderne dont la première expérience congolaise a eu lieu presque un siècle auparavant et la seconde au milieu du 20e siècle. Voici le point où se rencontrent nos travaux de recherche, même s’ils n’ont pas cheminé en ordre chronologie de la réalité historique.
Depuis presque une décennie, Jean-Luc Vellut travaille sur l’édition des archives relatives à la prédication et à la déportation de Simon Kimbangu. Deux premiers tomes actuellement disponibles sont consacrés aux fonds missionnaires protestants. Dans ses commentaires, Jean-Luc Vellut met en évidence la part de la modernité dans les mouvements prophétiques au pays kongo. Il y a ainsi un lien entre les publications de Jean-Luc Vellut et le souhait de Médard Kilola Lema d’assurer la diffusion internationale du récit de vie de son grand-père.
Esclave lorsqu’il était enfant, il fut salarié sur le chantier du chemin de fer Matadi-Kinshasa, puis catéchiste (il alterna ces occupations au cours de sa vie) de la mission baptiste dans ce même pays kongo. Entre le salariat, la diffusion du message chrétien et l’organisation sur cette base de nouvelles communautés en pays kongo, il fut un acteur de cette modernité.
Joseph Vuadi mu Nktutu né vers 1879 dans un village de la région de Mbanza Ngungu, est décédé en 1974. Le récit couché par écrit par l’un de ses fils débute au moment où la marchandisation qui pénètre la société expose les plus faibles au rapt. Les personnes dépourvues de protection sociale risquent alors de perdre le statut garanti par l’inscription dans les liens de parenté et devenir un bien meuble, source de revenu monétaire.
Pourrions-nous dire qu’en ce moment particulier de l’histoire du pays kongo, la prolétarisation a pris la forme d'une imposition du statut d’esclave ? Une personne risque de circuler dans la région en tant qu’être humain commodifié. Non seulement son travail mais aussi sa valeur sociale (capacité reproductive d’une femme, inscription d’un homme dans une lignée démographiquement faible) peuvent s’acquérir par l’échange (ou par le rapt), à condition de rompre le lien social originel.
C’est l’histoire du jeune Joseph Vuadi. Dans son récit frappe le fait que même s’il n’a pas totalement perdu les liens avec des membres de son groupe de filiation, ces derniers n’ont rien fait (l’ont-ils pu ?) pour sa libération de l’esclavage. Il n’est pas possible de savoir si le rapt entrainant l’esclavage avait assez de légitimité pour être accepté par ses parents, ou encore que ces derniers avaient une raison pour ne pas tenter d’obtenir son retour.
Les documents rassemblés par Jean-Luc Vellut montrent que le travail salarié et l’appartenance à une communauté chrétienne offraient alors la possibilité d’émancipation sans rupture avec le modèle local d’insertion sociale. Joseph Vuadi savait s’en prévaloir à titre de personne moderne, c’est-à-dire comme acteur de sa libération et de sa promotion sociale ne s’appuyant que sur lui-même.
Au moment de sa mort, presque 15 ans après l’indépendance du Congo, Joseph Vuadi a laissé une lignée de 178 personnes s’étendant sur 4 générations. Toute sa vie d’adulte durant, il semble avoir eu à l’esprit la préservation de l’autonomie sociale et économique de lui-même et de l’entité sociale qu’il construisait et à laquelle il présidait. Contrairement à l’inscription spatiale d’une entité villageoise, laquelle se déplace dans un rayon restreint, Joseph Vuadi a déplacé sa famille plusieurs fois dans une région plus vaste. Il semble avoir été en quête d’un lieu propre au sens que donne Michel de Certeau à ce terme5. Il est consacré héros fondateur par le récit que son fils a récolté et couché par écrit en 1971, le consacrant comme héros fondateur. Est-ce un hasard que ce texte soit créé alors que la zaïrianisation battait son plein, que les prénoms chrétiens – lien avec le saint patron protecteur – étaient bannis, alors que l’État reconnaissait ses citoyens par la carte d’identité avec photo? Médard Kilola Lema, son petit-fils, universitaire et historien professionnel, a traduit le récit en français en 2009 et souhaite actuellement le faire porter à l’écran.
La patrimonialisation de l’ancêtre fondateur est moderne, elle procède par la mise par écrit. Le texte immortalise le récit oral, le fixe ; « immobile », il est désormais placé en dehors du temps social prenant préséance sur la mémoire vive sensible au présent de la communauté. Ce récit écrit se conforme au modèle de consécration de la personne élue par la grâce selon l’éthique protestante. Le désir de porter à l’écran la vie du grand-père répond à la nouvelle manière de présence du pays kongo dans le monde globalisé où le local « ancien » interagit virtuellement avec ses communautés diasporiques grâce à la communication multimédia.
À propos du pays kongo au temps de la naissance de Joseph Vuadi, Vellut a écrit qu’il était à la périphérie du monde capitaliste mais ouvert à ses grands courants. Un siècle plus tard, les descendants de l’homme (figure typique d’individu qui au moment d’une profonde rupture sociale, matérielle et spirituelle affirme son autonomie), qui, enfant, a été dépouillé de l’inscription sociale locale, célèbrent en lui leur héros fondateur.
Au début du siècle passé, son univers puisait autant dans le temps ancien que dans le monde nouveau arrivé dans les fourgons de la colonisation. La marchandisation a permis à la personne déchue de son statut de parenté de s’imposer comme individu. Le monde social est toujours organisé par le recours à la parenté mais, désormais légitime, le succès individuel renvoie à sa vision chrétienne protestante.
La narration, conservée et transmise par l’écriture, a consacré le nouvel ordre. Le nouveau sens social de la durée ponctuée par des événements dont l’expérience est relatée à titre de témoignage fait advenir la patrimonialisation. Cette dernière est à l’étroit dans le récit fixé par écrit est en attente de l’expression multimédia. Son langage est perçu comme plus actuel que l’écriture, résolument global plutôt qu’universel.
Il y a 40 ans, tous les trois réunis dans une démarche universitaire, nous avons voulu identifier avec l'action collective ce mouvement de la société congolaise vers la modernité localement assumée : les mouvements de grève au pays kongo. Récemment, par des démarches indépendantes mais simultanées, tous les trois nous semblons accorder la priorité aux effets de longue durée des actions individuelles. Il ne s’agit pas seulement de changement d’acteur, du collectif à l’individuel, mais aussi de déplacement du moment initial désormais situé au début du 20e siècle. Qu’il s’agisse d’un regard extérieur, s’appuyant sur l’analyse des documents pour l’essentiel provenant des observateurs extérieurs au pays kongo, ou du regard porté de l’intérieur de sa société, l’action individuelle est donnée pour porteuse de changement social durable.
Enfin,
une observation très importante à l’égard des relations entre
l’individu et sa société. La figure du père domine le récit de
Joseph Vuadi alors que l’oncle maternel n’y apparaît pas. Il
n’est cité qu’une fois, mais la note où l’oncle est nommé
est de la plume du fils qui explique que le titre de tata accordé à
des missionnaires signifie « père ou oncle maternel ».
La nouvelle sociabilité construite par Joseph Vuadi – le récit en
accentue probablement la radicalité – puise ses matériaux dans la
réalité sociale mais leur donne un sens autant moderne que
chrétien. Le monde social allait désormais être construit autour
de l’individu mâle, chrétien, salarié/entrepreneur. Sa
participation au marché lui permet d’entretenir une famille dont
les ascendants comptent moins que les descendants puisque le futur
l'emporte sur le passé.
La
mise en sens narrative d’une lignée patrilinéaire valorise le
fondateur qui a surgi d’une profonde rupture, d’un traumatisme
constituant le seuil entre un avant – un récit d’abandon à
l’origine de la brutale « modernisation » – et un
après. S’extirpant de l’esclavage, le grand-père s’est fait
lui-même en tant qu’acteur social. Il n’avait que le futur
devant lui et aucun héritage social à honorer. Il décide de
devenir salarié. Lorsqu’il parle de ses deux mariages, il ne
mentionne aucune contribution de ses parents maternels pour
constituer la dot. Il trouve tout seul sa communauté chrétienne,
démarche dont il s’attribue l’initiative.
Certes, il ne coupe pas toutes les amarres avec l’ordre ancien. Par exemple, à quelques reprises il contacte sa sœur. Rien cependant n’indique que ces rencontres aient déteint sur son univers de chef de famille patriarcale. Il construit cette dernière à force de sacrifices et de souffrances, épreuves qu’il surmonte avec l’unique appui de son nouveau monde de référence – la mission baptiste. Et dans ce monde, il se présente comme acteur autonome prenant ses décisions et en assumant les conséquences.
Le récit signale un conflit, aux contours obscurs, avec un missionnaire, William Hall6. Vuadi quitte alors (ou on le fait partir, sans qu’il nous le dise) la mission, mais Hall s’en est allé également.
Certes, il ne coupe pas toutes les amarres avec l’ordre ancien. Par exemple, à quelques reprises il contacte sa sœur. Rien cependant n’indique que ces rencontres aient déteint sur son univers de chef de famille patriarcale. Il construit cette dernière à force de sacrifices et de souffrances, épreuves qu’il surmonte avec l’unique appui de son nouveau monde de référence – la mission baptiste. Et dans ce monde, il se présente comme acteur autonome prenant ses décisions et en assumant les conséquences.
Le récit signale un conflit, aux contours obscurs, avec un missionnaire, William Hall6. Vuadi quitte alors (ou on le fait partir, sans qu’il nous le dise) la mission, mais Hall s’en est allé également.
La
faiblesse de ses revenus à titre de catéchiste le pousse à
osciller entre l’emploi à la compagnie de chemin de fer,
l’agriculture (elle ne semble pas uniquement de subsistance)
presque certainement sur la terre d’autrui et le travail de Dieu.
Ses réussites dans ce dernier domaine font qu’à quelques
reprises, sollicité à titre personnel, il reprend le travail de
catéchiste.
L’incident avec tata Hall attire notre attention sur la question de relations raciales et sur la reconnaissance à laquelle Vuadi aspire. Alors que le fils de Joseph Vuadi relate son échange avec ce dernier afin de connaître la raison du conflit, rien ne permet de savoir que William Hall fut noir de peau. Cependant, Joseph Vuadi finit par dire qu’il a jugé inconvenante l’attitude du missionnaire à l’égard de sa femme. Faut-il en conclure que la race rapprochait de facto les personnes que le statut dans la société coloniale éloignait radicalement (Vuadi fut un indigène, pas Hall bénéficiant, malgré sa peau, de statut de blanc).
Ailleurs dans le récit, Joseph Vuadi confie à son fils que les villageois (pas lui-même) se comportaient à l’égard d’un mulâtre comme s’il était un blanc et lui prêtaient les mêmes pouvoirs. Ces deux passages nous permettent de comprendre que les attributs extérieurs de qualification raciale ne fonctionnaient pas de la même manière dans chacune des trois sphères. Pour les coloniaux blancs, ces signes extérieurs classaient la personne sans appel dans une catégorie définie par des attributs biologiques7. Jean-Luc Vellut en apporte des preuves additionnelles lorsqu’il note que dans les documents missionnaires et laïcs un missionnaire noir est habituellement mentionné sans citer son nom de famille. Les blancs sont toujours désignés par leur nom de famille. Pour les colonisés, la couleur de la peau semble importante pour situer les personnes par rapport à l’État colonial, donc l' inscrire dans une des deux catégories politiques plutôt que dans une catégorie raciale. Enfin, la peau noire rend une personne susceptible de relations intimes et de passions partagées avec des indigènes même si le statut colonial les en exclut formellement. Dans le récit, William Hall est nommé par son nom de famille – papa Hall – mais pas par son prénom et la couleur de sa peau n’est pas mentionnée.
Enfin,
les réponses évasives que Joseph Vuadi donne à son fils soulèvent
une dernière question. Papa
Hall aurait manifesté de un intérêt inapproprié à l’égard de
l’épouse de Vuadi. L’argument du récit semble bien planté dans
le versant politique de la morale chrétienne en ce qui concerne les
rapports de genre. Au sein du ménage chrétien, les rapports sexuels
restreints à la procréation en donnent au mari le droit exclusif de
jouissance. Les défendre est autant signe de sa propre modernité que
celui d’obéissance à la morale chrétienne. Quelques années plus
tard, à l’autre bout du Congo, à Elisabethville, un domestique
allait assassiner son employeur pris en flagrant délit d’adultère
avec sa femme. La mémoire urbaine a retenu la pendaison du
domestique condamné pour meurtre comme un déni de justice. La
présence d’un prêtre lors de l’exécution publique en a
accentué la portée.8
Le travail monumental de Jean-Luc Vellut permet de lire le récit de Joseph Vuadi non seulement comme un document d’histoire individuelle et familiale, mais aussi comme le témoignage interne à la société du pays kongo. Plusieurs y aspirent alors à une modernité dont ils veulent obtenir le contrôle. La recherche en cours de Jean-Luc Vellut, la quête d’attention sur la modernité séculaire de sa famille de la part de Médard Kilola Lema et l’intérêt de Bogumil Jewsiewicki pour le récit autobiographique se croisent dans l’effort de comprendre historiquement la modernité congolaise. La richesse du travail du premier permet de placer le récit de vie de Joseph Vuadi dans le contexte de la société kongo de son époque.
L’historiographie
de l’entrée des Congolais dans la modernité doit être réexaminée
à la lumière des documents que Jean-Luc Vellut livre au fur et à mesure de l’avancement de son travail d’édition. Trait par
trait, le tableau qu’il brosse convainc que le lien entre
l’innovation religieuse et la naissance de la société civile doit
être investigué, que sa démarche est juste.9 Les documents qu’il livre au lecteur témoignent d’un mouvement
social dont leurs auteurs maîtrisaient mal toutes les dimensions,
mais dont ils appréciaient l’importance. Comme Chateaubriand, ils
en ont pressenti le caractère épochal. Vellut se charge d’en
restituer l’épaisseur humaine alors que le récit de Joseph Vuadi
permet d'en entrevoir l’expérience personnelle.
Vellut donne au lecteur l’accès au vécu des auxiliaires congolais des missionnaires pressés à prendre en mains l’avenir spirituel, celui des prophètes et des gens ordinaires aspirants à la modernité qu’ils auraient souhaité vivre à leur manière. Il met fin au monopole de l’interprétation exclusivement séculariste qu’il qualifie de « vulgate occidentale du phénomène prophétique africain » (1/1, p. 291). Pour se mettre davantage à l’écoute des hommes occupés à construire un avenir autant matériel que spirituel. S’il reconnaît l’importance de l’invitation à la rencontre personnelle avec le Christ, il insiste sur l’importance dans l’aire kongo de la « christianisation des formes de pensée anciennes » (1/1, p. XI). Il rappelle aussi que la christianisation missionnaire ayant inspiré Kimbangu avait trouvé un terrain déjà irrigué par la mémoire culturelle10 de la première christianisation du temps du Royaume du Kongo. Il constate que « [l]a cosmologie kongo avait en effet annexé des symboles chrétiens […], des images ou noms de saints (santu) incorporés parmi les signes de communication ouverte entre les mondes visible et invisible. » (1/1, p. X). Ouverte depuis, même si ce ne fut que par intermittence, à des grands courants de l’économie mondiale, la société kongo n’est pas repliée sur elle-même. La géopolitique chrétienne, l’écriture et la narration comme mode de construction sociale de la durée ainsi que l’individu comme référence première d’un nouveau projet de société sont parmi les questions auxquelles les gens s’efforcent de répondre pratiquement. Au 20e siècle, au moins dans des zones sécurisées de l’esclavage et des effets de la sorcellerie, écrit Vellut, des hommes et des femmes innovent socialement et spirituellement. Ces communautés sont établies autour des missions et dans des lieux où le salariat rattache des individus à des postes de traite et grandes entreprises économiques.11
Vellut oblige à nuancer les opinions établies sur la toute-puissance et sur la cohérence politique, religieuse et sociale du rouleau compresseur colonial. Partant de l’individu, une nouvelle vision du monde en construction puise, d’une part, dans le christianisme, la technologie de l’écriture et la narration donnant un sens nouveau à l’expérience et, d’autre part, dans les mouvements locaux de purification et de renouveau. Sans souhaiter l’émergence du prophétisme, les missionnaires protestants y ont contribué par la construction d’une mémoire historique des postes de mission (communautés chrétiennes) et par la diffusion d’un modèle de récit, celui de la rencontre entre l’humain et la Grâce.
Parmi les protagonistes, il y a cette bonne samaritaine dont le récit de vie a fourni à la tradition kimbanguiste le modèle de la mise en narration de la mère de Simon Kimbangu annonçant par son exemple l’avènement du prophète en la personne de son fils. Nombreux récits de vie d’acteurs locaux ont été moulés dans des récits de la geste chrétienne individuelle traduits en kikongo et mis en circulation par l’imprimerie missionnaire.
Vellut donne au lecteur l’accès au vécu des auxiliaires congolais des missionnaires pressés à prendre en mains l’avenir spirituel, celui des prophètes et des gens ordinaires aspirants à la modernité qu’ils auraient souhaité vivre à leur manière. Il met fin au monopole de l’interprétation exclusivement séculariste qu’il qualifie de « vulgate occidentale du phénomène prophétique africain » (1/1, p. 291). Pour se mettre davantage à l’écoute des hommes occupés à construire un avenir autant matériel que spirituel. S’il reconnaît l’importance de l’invitation à la rencontre personnelle avec le Christ, il insiste sur l’importance dans l’aire kongo de la « christianisation des formes de pensée anciennes » (1/1, p. XI). Il rappelle aussi que la christianisation missionnaire ayant inspiré Kimbangu avait trouvé un terrain déjà irrigué par la mémoire culturelle10 de la première christianisation du temps du Royaume du Kongo. Il constate que « [l]a cosmologie kongo avait en effet annexé des symboles chrétiens […], des images ou noms de saints (santu) incorporés parmi les signes de communication ouverte entre les mondes visible et invisible. » (1/1, p. X). Ouverte depuis, même si ce ne fut que par intermittence, à des grands courants de l’économie mondiale, la société kongo n’est pas repliée sur elle-même. La géopolitique chrétienne, l’écriture et la narration comme mode de construction sociale de la durée ainsi que l’individu comme référence première d’un nouveau projet de société sont parmi les questions auxquelles les gens s’efforcent de répondre pratiquement. Au 20e siècle, au moins dans des zones sécurisées de l’esclavage et des effets de la sorcellerie, écrit Vellut, des hommes et des femmes innovent socialement et spirituellement. Ces communautés sont établies autour des missions et dans des lieux où le salariat rattache des individus à des postes de traite et grandes entreprises économiques.11
Vellut oblige à nuancer les opinions établies sur la toute-puissance et sur la cohérence politique, religieuse et sociale du rouleau compresseur colonial. Partant de l’individu, une nouvelle vision du monde en construction puise, d’une part, dans le christianisme, la technologie de l’écriture et la narration donnant un sens nouveau à l’expérience et, d’autre part, dans les mouvements locaux de purification et de renouveau. Sans souhaiter l’émergence du prophétisme, les missionnaires protestants y ont contribué par la construction d’une mémoire historique des postes de mission (communautés chrétiennes) et par la diffusion d’un modèle de récit, celui de la rencontre entre l’humain et la Grâce.
Parmi les protagonistes, il y a cette bonne samaritaine dont le récit de vie a fourni à la tradition kimbanguiste le modèle de la mise en narration de la mère de Simon Kimbangu annonçant par son exemple l’avènement du prophète en la personne de son fils. Nombreux récits de vie d’acteurs locaux ont été moulés dans des récits de la geste chrétienne individuelle traduits en kikongo et mis en circulation par l’imprimerie missionnaire.
Au début des années 1920, l’économie marchande permettait la compétition entre les entrepreneurs locaux et ceux venus d’ailleurs12. Alors que la construction du chemin de fer impliquait la montée annuelle vers Kinshasa de 35 000 charges, des entrepreneurs kongo, comme Lutete ou Makitu, organisaient chacun des caravanes de mille charges.
Les
nouvelles sources de pouvoir et l’accès aux biens matériels
constituent alors l’autre face du ressourcement spirituel, les deux
indissociables dans la dynamique de mouvements spirituels modernes.
Il y a un siècle, ce monde est « agité d’incessantes
destructions et reconstructions » alors que l’univers que les
prophètes cherchent à transformer par la parole est cosmopolite.
L’actualité de ces constats est frappante pour qui voudrait
réellement comprendre la chrétienté agitée de la société
congolaise du 21e siècle.
L’administration
coloniale croyait avoir bloqué la transmission de l’héritage
spirituel en confiant deux fils de Kimbangu aux institutions
scolaires « modernes ». Pourtant, le père l’aurait
probablement souhaité. Les deux ont fait carrière dans
l’administration publique avant que Diangienda Kuntima n’assume en 1956
l’autorité de l’Église de Jésus Christ sur terre par le
prophète Simon Kimbangu. Dans la société kongo, la modernité du vivier
kimbanguiste a également eu raison de l’administration. Vellut
signale qu’en 1929, le premier du Congo, un établissement d’un
réseau d’« écoles nationales » fut ouvert à Ngombe
Matadi. Contrairement aux écoles pour « indigènes »,
son programme incluait l’enseignement en français. En 1933, un
hôpital fut implanté dans la région, puis des institutions de
formation professionnelle d’où a émergé, certes tardivement, la
première université congolaise.
L’acharnement
sur la personne de Kimbangu traduisait la profonde frustration du
corps social des fonctionnaires impuissants devant l’individu
qu’ils ne voulaient pas voir « derrière le masque anonyme de
l’ « indigène ». Le fouet et les chaines13,
outils de prédilection pour discipliner l’indigène, n’ont
réussi ni à briser
ni à
discréditer Kimbangu. « [S]imply a servant of Jesus-Christ and
nothing more » (déclaration de Kimbangu rapportée par un
missionnaire de la BMS cité par Vellut, p.xviii). Nous pouvons
conclure que Kimbangu affirmait ainsi être nothing
less
qu’un servant of
Jesus Christ : un
Homme qui à titre individuel a répondu à l’appel de l’Esprit,
un Homme moderne ayant brisé les chaines de la non-reconnaissance de
son humanité. Plus modestement, à l’échelle de sa communauté
familiale qu’il projette vers l’avenir, Joseph Vuadi, qui a
affronté des défis de même nature, raconte sa vie à son fils et à
son petit fils.
Récit
de vie de Vuadi mu Nkutu Joseph14
La
naissance
Notre
Père est né dans le village de Ntimansi, dans le territoire de
Thysville (Mbanza-Ngungu). L’année de sa naissance n’est pas
connue avec exactitude, cependant on peut l’estimer
approximativement à 187915,
car lors de son mariage en 1899, le Père était un jeune homme d’une
vingtaine d’années. Son nom de naissance est Nsikulua. Son père
s’appelait Mina Nkandi et sa mère Makinu.
A
la mort de son père, il était encore tout petit, néanmoins capable
de comprendre les circonstances de cette mort. Son père est mort
accidentellement, alors qu’il s’apprêtait, selon l’usage de
l’époque, à tirer un coup de feu à l’occasion de la mort de
son beau-père. Faisant feu, il a été grièvement brûlé et est
décédé quelque temps après. Malgré son jeune âge, le Père a pu
assister aux derniers moments de son père. Sa mère est décédée
peu après la mort de son père. Morte d’amaigrissement, l’on
croit que sa maladie était due aux soucis causés par la perte de
son mari.
Le
Père avait une grande sœur, de même père et de même mère que
lui, au nom de Yimbua. Il avait également des frères et des sœurs
nés du même père que lui, car son père avait plusieurs épouses.
De ces demi-frères et demi-sœurs, il n’a retenu que les noms de
Nzinga, un garçon, Mianza, une fille, et Dimbu, une autre fille.
Cependant, il n’a pas connu cette dernière avant son départ de
Ntimansi, car elle était encore dans le ventre de sa mère.
Retenons
que parmi ses trois frères et sœurs nés du même père, Mianza
était celle qui a donné naissance à Mvundu (Lema Joseph), le mari
de Vuadi Annette16.
Elle avait un oncle maternel nommé Madiavula Matunta. C’est lui
qui a amené le Père par ruse à Mpalavala17.
A la mort de ses parents, le Père ne se rappelle pas qui l’avait
pris en charge ; il se souvient néanmoins qu’il était placé
sous la garde de sa grande-sœur Yimbua. C’est elle qui le lavait
et veillait à satisfaire tous ses besoins d’enfant. Ainsi, depuis
la mort de son père et de sa mère jusqu’à son enlèvement pour
Mpalavala, il n’a souffert d’aucune de ces peines liées à la
condition d’orphelin, car sa grande sœur veillait sur lui comme sa
propre mère. Bien qu’elle ne fût encore elle-même qu’une
enfant, elle était cependant plus âgée que lui. Le Père jouait
avec ses demi-frères et demi-sœurs, sans aucun problème. Sa grande
sœur veillait sur lui en toutes choses.
L’enlèvement
A
cette époque-là, des gens provenant de toutes les contrées
environnantes se rendaient à Mboma18
pour faire du commerce. Ils apportaient du caoutchouc, des noix
palmistes ainsi que des pointes d’ivoire qu’ils échangeaient
auprès des Portugais contre des étoffes, du vin et tant d’autres
bonnes choses. Dans la contrée de Ntimansi, il y avait également un
groupe de gens qui se rendaient à Mboma pour faire du commerce. Ce
groupe était composé de Muana Ngonda, originaire de Kinsuka, qui
en était le chef, de Madiavula Matunta, originaire de Ntimansi, son
second, ainsi que de Paul Mpembele (le père de Marie Tabu) qui les
accompagnait. A l’aller comme au retour de Mboma, ces gens
transitaient par Mpalavala et descendaient dans la maison d’un
certain Nenkula Kimpioka (alias Lusala Lumingu). C’est là qu’ils
trouvaient le couvert et le gîte, ainsi qu’il était d’usage à
cette époque19
Le
même Nenkula Kimpioka les accompagnait jusqu’à Mboma, car il
connaissait la langue portugaise. C’est lui qui parlait avec les
commerçants blancs en portugais et traduisait dans sa langue à
l’intention des ses compagnons. C’est lui également qui
réceptionnait les étoffes et le vin ainsi que toutes sortes de
marchandises qui étaient remises aux trafiquants en guise de
paiement dans le cadre de leurs transactions commerciales. Et c’est
encore lui qui remettait à chacun sa part au prorata de sa mise et
rentrait avec les commerçants jusqu’à Mpalavala, où ces
derniers passaient la nuit avant de retourner chez eux le lendemain
matin.
Ces
nuits-là, ils avaient l’habitude de boire du vin qu’ils avaient
ramené de Mboma et se livraient à des réjouissances et à des
danses à volonté, et le matin, au premier chant du coq, ils
soulevaient chacun son fardeau et reprenaient chemin. Nenkula
Kimpioka persévérait à accueillir ses hôtes chez lui et à les
accompagner pour être leur interprète auprès des Blancs à Mboma.
Au retour de Mboma, ils retournaient à Mpalavala, et alors il
pouvait boire le vin de ses hôtes comme il voulait. C’est le
bénéfice qu’il retirait de ce travail.
Un
jour, revenant de Mboma, ils sont descendus à Mpalavala dans la
maison de Nenkula Kimpioka, comme d’habitude. Une fois installés,
ils mangèrent et se réjouirent en buvant des liqueurs fortes qu’ils
avaient ramenées de Mboma. Cette nuit-là, ils n’ont fait que
boire et danser. Pendant que tout le monde buvait, Muana Ngonda, le
chef de la caravane, se mit à somnoler et s’endormit. Pendant
qu’il dormait, un des commerçants a soulevé la dame-jeanne
contenant du vin, l’a secouée et, tirant Muana Ngonda du sommeil,
lui a lancé sous forme de blague, ainsi qu’il arrive souvent entre
gens qui boivent : « Hé ! Muana Ngonda, tu continues
à dormir, alors que le vin est épuisé ! ». Muana Ngonda
lui a rétorqué : « Eh bien, quoi ? S’il n’y a plus
de vin, est-ce là un problème ? Et quand ce serait un
problème, c’est Madiavula Matunta qui s’en occuperait, pas
moi ! » Et il a continué à dormir.
Retenons
cette réponse qui fut à l’origine de la venue du Père par
tromperie à Mpalavala. Nenkula Kimpioka était un maitre-trompeur20.
Lorsqu’il a entendu la réponse de Muana Ngonda à son compagnon,
il n’a rien dit ; cependant, il l’a gardée dans son cœur,
sachant très bien que, grâce à la réponse qu’il venait
d’entendre, il trouverait bien un jour motif à se plaindre contre
Muana Ngonda ou Madiavula Matunta.
Après
qu’ils eurent fini de boire, de se réjouir et de danser, très tôt
matin, au premier chant du coq, ils prirent leurs fardeaux et se
remirent en route pour retourner dans leurs villages respectifs. Là,
Muana Ngonda est allé mourir. Depuis, des jours et des mois
passèrent, cette caravane ne se rendait plus à Mboma. Nenkula
Kimpioka en était fort fâché, car il vivait de ce trafic. Toutes
sortes de pensées s’agitaient dans son cœur, cependant, il dut
attendre. Lorsque les commerçants reprirent le chemin de Mboma et
que la caravane renoua avec ses activités commerciales, le chef en
était cette fois Madiavula Matunta, en remplacement de Muana Ngonda
décédé. Pour une raison inconnue, Madiavula Matunta et son groupe
se rendirent à Mboma sans passer par Mpalavala chez Nenkula Kimpioka
pour aller avec lui à Mboma, comme c’était l’habitude
auparavant avec Muana Ngonda.
Les
gens qui virent passer cette caravane rapportèrent la nouvelle à
Nenkula Kimpioka. Ils l’informèrent que les commerçants étaient
passés à Mboma en traversant en amont de la rivière Mpozo (au site
de l’actuel Bousin, ancienne gare du chemin de fer Matadi-Kinshasa
rebaptisée Palabala). Lorsque Nenkula Kimpioka apprit cette
nouvelle, il comprit que le moment était venu de les attraper. A cet
effet, il descendit vers le cours supérieur de la rivière Mpozo,
actuellement Bousin, pour les attendre à leur retour de Mboma21
Lorsque Madiavula Matunta et son groupe eurent clôturé leurs
transactions commerciales, ils reprirent le chemin de leurs villages
respectifs. Pendant qu’ils descendaient les montagnes pour passer
sur l’autre rive, en amont de Mpozo (Bousin), Nenkula Kimpioka les
aperçut de loin et se déroba à leurs regards, afin de les laisser
passer sur l’autre rive.
Lorsqu’ils
eurent traversé la rivière Mpozo, Nenkula Kimpioka vint au devant
d’eux et, feignant qu’il venait seulement de les apercevoir, leur
lança : « Bonjour ! ». « Bonjour ! »
répondirent les commerçants. Et se tournant vers Madiavula Matunta,
il demanda : « N’est-ce pas toi Madiavula Matunta ? »
« Oui, c’est bien moi. », répondit ce dernier.
Nenkula Kimpioka poursuivit : « C’est bien avec toi que
nous étions, Muana Ngonda et moi ? ». Madiavula :
« Oui, c’est moi. ». Nenkula Kimpioka : « Où
est Muana Ngonda ? ». « Il est mort. »,
répondit Madiavula Matunta. « Mort ! », s’écria
Nenkula Kimpioka feignant s’en étonner fort avant de reprendre :
«Mais, sais-tu ce que Muana Ngonda avait dit lorsque nous étions
dans ma maison et que nous buvions du vin ? » Madiavula
Matunta répondit : « Je ne sais pas ». Nenkula
Kimpioka reprit : « Muana Ngonda avait répondu,
lorsqu’on lui avait parlé de vin, que s’il arrivait un problème
avec le vin, c’est toi Madiavula Matunta qui s’en occuperais et
pas lui, le sais-tu ? ». Madiavula Matunta : « Oui,
je l’ai entendu ».
Lorsqu’
il entendit cette réponse, Nenkula Kimpioka se leva contre Madiavula
Matunta et lui dit : « Pourquoi donc, Madiavula Matunta,
êtes-vous passés à Mboma, toi et tes compagnons, sans descendre
dans ma maison comme d’habitude? » A cela, Madiavula Matunta
ne put trouver une réponse acceptable à donner à Nenkula Kimpioka.
Alors, ce dernier fut très monté contre Madiavula Matunta, pendant
que ses compagnons s’ingéniaient à effrayer Madiavula Matunta de
toutes sortes de manières. La discussion s’envenima.
Ainsi
que l’affirme ce proverbe kongo, « un
cafard ne peut jamais gagner un procès au milieu des poules »,
Madiavula Matunta fut-il désapprouvé par tous ceux qui intervinrent
dans cette affaire et condamné par les habitants de Mpalavala à
fournir quatre personnes en compensation à Nenkula Kimpioka, pour
clore cette affaire. Devant cette sentence, Madiavula Matunta demanda
aux habitants de Mpalavala de le laisser rentrer chez lui pour
trouver les personnes qu’on lui avait demandées. Au terme de cet
arrangement, Madiavula Matunta et son groupe furent relâchés par
les habitants de Mpalavala après que le jour de la livraison des
hommes demandés eut été convenu.
Pendant
ce temps, le Père vivait paisiblement à Ntimansi, son village
natal, avec ses petits frères et petites sœurs, ignorant tout des
événements de Mpalavala. Sa grande sœur Yimbua qui s’occupait de
lui avait été entre-temps envoyée pour garder les enfants chez une
tante du nom de Ntenda, au village Botongo. Il se pourrait que ce
fût là un stratagème visant à écarter sa sœur pour qu’elle ne
soit pas informée de l’enlèvement de son jeune frère vers une
autre contrée. Mais, il n’est pas certain qu’il en eut été
bien ainsi.
Le
Père ne connaissait pas Madiavula Matunta, car ils n’habitaient
pas le même quartier. Mais, il est de notoriété que Madiavula
Matunta était le propre frère d’une autre épouse du père de
notre Père, laquelle avait donné naissance à Mianza, demi-sœur du
Père du côté paternel et mère de Mvundu (Lema Joseph), le futur
époux de Vuadi Annette, d’où, parmi plusieurs autres, est issu
Mena Théophile22
Ainsi, Madiavula Matunta était l’oncle de Mvundu (Lema Joseph).
Madiavula
Matunta commença par attirer par la ruse le Père ainsi que
d’autres garçons du village. Il leur racontait des histoires de
Mboma, leur disant que Mboma était un coin merveilleux, qu’on y
trouvait des hommes blancs portant des objets aux pieds (chaussures),
pourvus de longs cheveux blancs et parlant une autre langue. Il les
rassurait que toute personne désireuse de voir ces choses de ses
propres yeux pourrait l’accompagner lors de leur prochain voyage à
Mboma.
Lorsque
le Père entendit des histoires si merveilleuses, il eut envie
d’aller voir de ses propres yeux ce qu’il venait d’entendre.
Car, à cette époque, il ne se trouvait aucun blanc dans sa contrée.
C’était donc fort étrange d’entendre et de voir de telles
choses. Aussi, le Père leur dit-il qu’il était disposé à les
accompagner jusqu’à Mboma et à rentrer avec eux lorsqu’il
aurait vu ce qu’il venait d’entendre. Le jour du départ étant
arrivé, le Père se joignit au groupe des trafiquants. Trois autres
personnes partirent avec eux. Il est bien connu que ces trois
personnes furent aussi prises dans cette affaire. Il s’agit de
Mudzue, un homme (d’origine Lari), Kundenga, un homme, et Nkembi,
une femme. Ces hommes ainsi que cette femme étaient nettement plus
âgés que le Père. L’un d’eux, Mudzue, portait même une barbe.
Le Père avait approximativement l’âge de 12 ans.
En
chemin, ils allaient sans encombre. Le Père n’eut pas à porter de
fardeau. On lui donna seulement un petit sac contenant des
provisions. Il ne connut aucune tracasserie et fut bien gardé par
ceux qui voyagèrent avec lui, comme l’on garde un enfant au cours
d’un voyage. En chemin, ils croisèrent une femme blanche
accompagnée d’un petit enfant. Le Père trouva cela très étrange,
car, c’est la première fois qu’il voyait une personne de race
blanche. C’était peut-être l’épouse d’un missionnaire blanc.
Ils passèrent plusieurs nuits en chemin avant de parvenir aux abords
de Mpalavala. Lorsqu’ils arrivèrent au lieu appelé Tala-Mbanza,
où se trouvaient les champs d’un certain Ntubi Kilendele, le Père
constata que la caravane commençait à se scinder en deux parties.
Une partie, où se trouvait la jeune fille Nkembi, continua à suivre
la route du cours supérieur de Mpozo vers Salampu pour poursuivre
par le chemin qui mène à Mboma. Le Père avec deux de ses
compagnons ainsi que Madiavula Matunta et d’autres commerçants
restèrent en cet endroit où les attendaient les habitants de
Mpalavala, comme c’était convenu avec Madiavula Matunta.
Lorsque
les nouveaux venus arrivèrent en cet endroit en compagnie du Père,
ils s’assirent en face de ceux qu’ils avaient trouvés sur place.
Le Père ne savait rien au sujet de cette rencontre. Au bout d’un
certain temps, il s’aperçut que Madiavula Matunta s’adressait
aux habitants de Mpalavala d’une manière dont la signification lui
échappait, à cause de son très jeune âge. Il comprit finalement
lorsque Madiavula Matunta désigna le Père aux gens de Mpalavala par
une mimique de la bouche et des yeux. Aussitôt, il fut saisi à
bras-le-corps par un habitant de Mpalavala du nom de Tulente Masampu.
Celui-ci jeta le Père sur ses épaules et, sans un mot de plus,
abandonnant tous ceux qui étaient là, quitta les lieux en toute
vitesse pour regagner le village.
Sur
les épaules de Tulente Masampu, le Père se mit à crier et à
pleurer pour qu’on le dépose et qu’on le relâche. Mais, Tulente
Masampu le tenait très fort sur ses épaules et, tout en
transpirant, poursuivit son chemin jusqu’à ce qu’il arrive à
Nkonzi (là où l’on puise l’eau) et, sans s’arrêter un seul
instant, continua à marcher jusqu’à ce qu’il débouche au
village de Kitulente. Arrivé au village, il déposa le Père là où
était assise une femme appelée Malia Mansoni. Aussitôt qu’il lui
dit : « Voici ton enfant que tu vas élever »,
Tulente Masampu disparut de la vue du Père. Le Père était très
fatigué pour avoir tellement pleuré sur le chemin lorsqu’il était
sur les épaules de Tulente Masampu. Aussi, resta-t-il assis là où
on l’avait déposé. Le soir, il constata que Mudzue et Kundenga
qui étaient restés là où ils avaient rencontré les habitants de
Mpalavala, étaient aussi montés au village avec ces derniers. Père
n’a plus jamais revu Madiavula Matunta.
Lorsque
Nenkula Kimpioka arriva chez lui, il fit savoir au Père qu’il aura
désormais pour nom et sera appelé Vuadi. A partir de ce jour, le
Père devint véritablement comme un enfant pour Malia Mansoni dans
la maison de Nenkula Kimpioka. Cette femme prit soin du Père comme
une mère prend soin de son propre enfant. Ces choses se passèrent
en 1890.
Le
Père resta dans ce village en compagnie de Mudzue et Kundenga. Mais,
comme ces derniers étaient déjà pratiquement des hommes capables
de raisonner, ils quitteront plus tard Mpalavala, tandis que le Père
demeura dans ce village.
Les
descendants de Nenkula Kimpioka et de Tulente Masampu, ravisseurs du
Père
Nenkula
Kimpioka (alias Lusala Lumingu) était originaire de Kitulente ou
Kimazebo. Il était le « duki »23
du chef Tulente Diadia et le neveu de Binda Kiansundi, l’épouse de
Kapita Moyo, qui a donné naissance à Bidinga, dont est issue Lina
Foko (la femme de Thomas Bangula puis de Lusala Kimpioka).
A
l’arrivée du Père à Mpalavala, Nenkula Kimpioka avait deux
épouses : Malia Mansoni et Meli Nani Vuna. Cependant, il avait
déjà eu auparavant une femme du nom de Wumba, qu’il avait achetée
et qui devint plus tard son épouse, de qui sont issus Ntsiama Biama
et Sipola-Mvovi24.
Sachons que Malia Mansoni, la mère nourricière du Père, avait une
petite sœur appellée Luzebete Kanda, mère de Sosana Luzolo, la
femme de Nefuani Ngonde.
Tulente
Masampu était candidat à la succession du chef Tulente Diadia. Dans
sa jeunesse, il avait été très fort dans les affaires de
tromperie. Il était un des très proches collaborateurs de Nenkula
Kimpioka dans les opérations d’enlèvement ou d’achat d’êtres
humains. C’est lui qui était « kesa »25
le jour où, à Tala-Mbanza, le Père fut livré par ses ravisseurs,
Madiavula Matunta et ses compagnons, à Nenkula Kimpioka et aux
habitants de Mpalavala. Il avait pour femme Milami Lo dont sont
issus deux enfants : Lutete Ntumbudila (Ndongoba), époux de
Ntomboko, la fille de Nsikiti, de qui sont issus Nsikiti Gilbert et
Neli Fuene, l’épouse de Vuadi Jérôme-Samuel26.
L’on sait que Tulente Masampu a régné sur Kitulente après le
chef Tulente Mabondo, qui avait succédé à Tulente Diadia. Tulente
Masampu est mort en 1936.
L’enfance
du Père à Mpalavala
Ainsi
qu’on l’a vu plus haut, dès son arrivée à Mpalavala, le Père
a été confié à Malia Mansoni qui devint comme sa propre mère. Il
n’y a rien à retenir contre cette femme. Sa sœur, Luzebete Kanda,
la mère de Sosana Luzolo, aimait beaucoup le Père également. C’est
pourquoi, le Père n’a gardé aucun mauvais souvenir de son séjour
à Mpalavala.
Après
un laps de temps, il fut envoyé comme gardien d’enfants au
village de Kinoso où était mariée la nièce de Nenkula Kimpioka
nommée Binda Kiansundi. Celle-ci était la femme de Kapita Moyo, le
père d’Iluidi Kiangala (Tulente Kiangala). Le Père est allé
là-bas pour veiller sur Bindinga qui venait de naitre. Durant ce
séjour, le Père a eu à souffrir de la part de cette femme qui le
battait. Toutefois, il n’a pas eu à souffrir autant pour le
manger, car il prenait ses repas avec le mari de cette femme, Kapita
Moyo, auprès de qui il avait trouvé grâce. Lorsqu’il s’aperçut
que sa situation ne faisait qu’empirer, le Père conçut l’idée
de retourner à Ntimansi. Mais, comment faire pour réaliser un tel
projet ?
Un
jour, il emprunta le chemin qui conduit à la forêt de Masunda. Là,
il rencontra un groupe de commerçants originaires de la région de
Ngombe, mais pas précisément de Ntimansi. Ils venaient de Matadi
pour leur commerce et s’étaient arrêtés en cet endroit aux
environs de midi pour prendre leur repas. Il leur demanda s’ils
connaissaient un village du nom de Ntimansi. S’étant concertés,
l’un d’eux reconnut qu’il le connaissait mais que eux ne
passaient pas par Ntimansi, leur village étant situé dans une autre
contrée. Le Père insista pour qu’ils l’emmènent là où ils
allaient. Mais, les commerçants qui connaissaient bien les mœurs
des gens de Mpalavala, refusèrent. Cependant, comme le Père
continuait à insister, les commerçants se saisirent de lui et le
ramenèrent de force à Mpalavala. Ils le conduisirent au village de
Kinoso où ils avaient l’habitude de descendre dans la maison de
Stéphane Nkanga. Là, ils ne trouvèrent que la femme de Stéphane
Nkanga, nommée Malia Nteba. Ils lui apprirent que ce jeune garçon
insistait pour qu’ils l’emmènent n’importe où ils allaient,
mais que, ne voulant pas avoir des problèmes avec les habitants de
Mpalavala, ils étaient venus le remettre. Le Père fut enfermé dans
la maison jusqu’au retour de Stéphane Nkanga.
Lorsque
celui-ci fut mis au courant de l’histoire, il garda le Père chez
lui, jusqu’à ce que la nouvelle que Vuadi se trouvait chez
Stéphane Nkanga, qu’il avait tenté de s’enfuir mais qu’on
était venu le ramener soit parvenue aux oreilles de Kapita Moyo.
Lorsque ce dernier s’aperçut que Stéphane Nkanga tardait à lui
ramener le Père, il se mit fort en colère contre lui. Les deux
hommes eurent une dispute orageuse à ce sujet et Kapita Moyo prit le
Père et le renvoya à Nenkula Kimpioka à Kitulente. Cependant,
Nenkula Kimpioka tenait beaucoup à ce que le Père garde Binda
Kiansundi. Aussi le renvoya-t-il une fois de plus à Kinoso chez
Kapita Moy et les souffrances du Père reprirent de plus belle. Au
point qu’il forma de nouveau le projet de s’enfuir, cependant,
cette fois pas pour rentrer à Ntimansi, mais pour aller travailler à
la Compagnie27
où, à ce qu’on disait, les Blancs étaient occupés à creuser la
voie par laquelle devaient passer les locomotives. Le Père lui-même
ainsi que d’autres pouvaient appercevoir les tentes de ces Blancs
du côté de Mpondani.
Le
jour du départ étant arrivé, le Père prit la route de Mpondani.
Mais, à cause de l’allure trop lente due à son jeune âge, il fut
rattrapé par des gens qui venaient derrière lui et qui se rendaient
à Mpondani où l’on creusait la voie ferrée. Parmi ceux-ci, il y
avait Lusala Mbambi, Nsiku Muini et Kinkela Kisalu. Ces derniers
savaient que le Père voulait s’enfuir. C’est pourquoi, ils
firent semblant de faire route avec lui. Une fois qu’ils eurent
réglé le problème pour lequel ils s’étaient déplacés, ils
rentrèrent avec lui jusqu’au village. Là, ils le conduisirent
chez Nenkula Kimpioka. Lorsqu’on apprit cette histoire, on se
saisit du Père et on lui lia les pieds et les poings et, pour se
moquer de lui, on lui fit porter un chapeau fait de plumes de poule.
Lorsque Nenkula Kimpioka lui-même arriva sur ces entrefaites, il
coupa un papayer, y pratiqua un trou et plaça le pied du Père dans
le trou durant trois jours environ, au bout desquels il le retira et
lui dit : « Le jour où tu tenteras de nouveau de
t’enfuir, c’est le fétiche du lion qui te dévorera ».
Ceci, il l’a dit seulement pour l’effrayer et ne l’a plus
renvoyé à Kinoso, prononçant ce proverbe : « Je ne te
renverrai plus à Kinoso, car les
projets d’une femme entrainent ceux de l’homme.
Il se pourrait que cette situation soit un jour à l’origine d’un
différend ».
Voilà
pourquoi le Père n’est plus retourné à Kinoso pour garder
l’enfant. Il retrouva sa place auprès de Malia Mansoni. Depuis
lors, il accompagnait Nenkula Kimpioka partout où celui-ci se
rendait. Ils allaient à Nkamba où résidait son parent Buyi. C’est
là qu’ont grandi Tsiama Biama et Sipola Mvovi. Ils allaient
également à Kinzau où habitait sa tante paternelle Mabengi Mpuku,
ainsi de suite.
Le
Père avait à cette époque environ 16 ans et commençait à avoir
envie d’aller travailler à la Compagnie qui construisait le chemin
de fer. Il en fit la demande à Nenkula Kimpioka, qui accepta.
Toutefois, ce dernier lui demanda de l’accompagner d’abord à
Kinzau chez sa tante Mabengi Mpuku. Lorsqu’il l’eut fait, Nenkula
Kimpioka l’autorisa à aller travailler.
A
cette époque, le chemin de fer arrivait jusqu’aux environs de
Tombangadio. Le Père alla s’y faire embaucher et y travaillait
avec d’autres. Cependant, à cause de sa jeunesse, on ne lui
donnait que de menus travaux adaptés à son âge, comme aller
chercher la ration des travailleurs ou les aider à préparer les
repas. Il était néanmoins payé pour ces menus travaux, au même
titre que les autres travailleurs qui avaient l’âge des travaux de
force, comme transporter les traverses qui supportent les rails,
amener de la terre sur la voie en construction, etc.
A
cette époque, le travail s’organisait sur une période de deux
semaines, à l’issue de laquelle on recevait son salaire et on
retournait au village. Le salaire ne consistait pas en numéraire
mais en étoffes, alcool et toutes sortes de bonnes choses. Au
retour du Père au village, les objets constituant son salaire
allaient aussitôt chez Nenkula et étaient considérés comme
appartenant à la maison. Cela se passait en 1895.
Durant
cette période, Lema Matundu était en procès auprès de bula
matari28
à Matadi. Le Blanc représentant bula
matari
l’avait chargé d’aller recruter de la main-d’œuvre à
Mpalavala et de revenir avec les recrues à Matadi. Mais, lui était
parti définitivement sans plus retourner à Matadi. C’est
pourquoi, étant fort en colère, le Blanc avait envoyé des soldats29
au village pour arrêter Lema Matundu et prendre les ouvriers du
chef afin de les ramener avec eux.
Sur
ces entrefaites, alors que le Père revenait de la Compagnie avec
d’autres pour aller se reposer au village, Nenkula Kimpioka tomba
malade et mourut en 1896.
Alors
que les gens se lamentaient sur le défunt, les soldats survinrent
au village. N’ayant pas trouvé Lema Matundu qui avait promis des
ouvriers au Blanc représentant de l’Etat, ils se mirent à arrêter
les gens sans discernement afin de les amener à bula
matari.
Les gens se dispersèrent aussitôt et s’enfuirent chacun de son
côté en abandonnant le village et le cadavre. Quant au Père ainsi
que quelques autres qui étaient des proches du défunt, ils ne
pouvaient pas s’enfuir. Aussi, lorsque les soldats arrivèrent sur
le lieu du deuil, les arrêtèrent-ils et les amenèrent-ils avec eux
à Matadi, ainsi que l’avait ordonné le Blanc représentant du
bula
matari.
Bien que le chef Noso ait plaidé pour eux auprès des soldats afin
qu’on les relâche pour qu’ils enterrent leur père, les soldats
refusèrent net, car ils avaient peur de rentrer bredouilles à
Matadi, sachant que le Blanc était très méchant. C’est pourquoi
le Père, ainsi que quelques autres, fut amené à Matadi et
n’assista pas à l’enterrement de Nenkula Kimpioka. Comme tout le
monde au village avait fui les soldats et que le Père et les autres
avaient été arrêtés pour aller travailler chez le bula
matari
à Matadi, le cadavre fut abandonné et enfermé seul dans la maison.
C’est le chef Noso, originaire d’un autre village, qui l’a fait
enterrer. Lorsque les habitants de Kitulente commencèrent à
regagner le village, il apparut qu’il fallait changer le site de ce
village. Ils se mirent donc à déplacer leurs maisons ainsi celle du
Père qui, à cette époque, était toujours à Matadi au service du
bula
matari.
Ainsi, lorsqu’il revint de Matadi, il trouva que sa maison n’était
plus là où il l’avait laissée : elle avait été déplacée
par Tsiama Biama là où était érigé le nouveau village de
Kitulente. Ces choses se passèrent en 1896.
Conversion
du Père au christianisme
Lorsque
le Père revint de Matadi où il avait été au service du bula
matari,
il demeurait au village avec ses jeunes frères : Mapuata
Nlandu, Kilukudu Mozasi, Mbunga, etc. Un dimanche matin, il mit ses
plus beaux habits et se rendit à la paroisse de la mission
(protestante) pour se convertir. Arrivé sur place, il se tint devant
la porte de la maison du catéchiste Barnaba Lutete, originaire de
Mbanza-Nkazi. Celui-ci se leva et demanda qui voulait se convertir.
Père lui répondit : « Moi ». Le catéchiste
s’approcha de lui et lui demanda : « Qui t’a instruit
que tu devais te convertir ? ». Père répondit :
« Personne ne m’a instruit, j’ai décidé moi-même de
quitter le village pour venir me convertir ». En attendant
l’heure du culte, le Père quitta le catéchiste et se rendit à
Kinoso chez un certain Tsali Blake pour s’entretenir avec lui avant
que la cloche ne sonne. Lorsque la cloche annonçant le début du
culte sonna, les habitants de Mpalavala se dirigèrent vers le
temple. Le Père y entra aussi et, ce jour-là, il se convertit au
christianisme. C’était en 1897.
Cependant,
pendant le culte, le catéchiste Barnaba Lutete dit bien des choses
dans son enseignement qui tournaient le Père en dérision à cause
des beaux habits dont il était vêtu. Suite à cela, le Père
commença à se gêner pour se rendre au culte. Or, il se trouve qu’à
cette époque, l’on désespérait fort des habitants de Kitulente
par rapport à la Bonne nouvelle (du royaume) de Dieu. Mais, ceux qui
étaient avec lui, tels que Tsali Blake et d’autres,
l’affermissaient, afin qu’il ne nourrisse pas l’intention de
cesser de fréquenter la maison de Dieu. Aussi, le Père
persévéra-t-il dans cette voie, au point que le catéchiste
lui-même devint son ami. Ainsi, lorsque ce dernier dut retourner
dans son village de Mbanza-Nkazi pour cause de maladie, c’est le
Père et un nommé Nsadi qui le reconduisirent jusqu’à son
village. A son retour de Mbanza-Nkazi, le Père alla de nouveau se
faire embaucher à la Compagnie et fut affecté comme domestique dans
la maison d’un Blanc, monsieur Don qui avait trois domestiques. En
raison du degré d’avancement du Père par rapport à la
civilisation occidentale, il fut placé à la tête de ses collègues.
L’accueil
du Père au sein de l’Église suivi de son baptême
Le
Père travaillait chez ce Blanc tout en se rendant au culte chaque
dimanche. Un dimanche, on l’informa qu’il devait être reçu par
l’Eglise le mercredi suivant. Comment faire dès lors pour ne pas
s’absenter du service ce jour-là ? Il se rendit au travail
et, comme ce jour était réservé au lavage des vêtements du Blanc,
il est allé à Mpondani pour y faire la lessive. Comme il devait
être reçu le même jour par l’Eglise, il exécuta vite sa tâche.
Lorsqu’il eût fini, il exposa la lessive au soleil et, la laissant
sans surveillance, se rendit en toute vitesse au village. Après
avoir été reçu par l’Eglise, il retourna à Mpondani, à
l’endroit où il avait mis le linge du Blanc à sécher. Il le
retrouva intact, sans qu’une seule pièce ait été volée.
Nous
ne savons pas combien de temps s’écoula depuis sa réception au
sein de l’Eglise. Toujours est-il que le Père fut baptisé le 16
juillet 1898, un dimanche. Ce jour-là, il ne se rendit pas au
travail chez le Blanc. Il fut baptisé sous le prénom de Joseph.
Après son baptême, le Père demeura peu de jours au service du
Blanc. Durant ces jours, il persévérait dans la voie du Seigneur et
l’exposait à tous ceux qui étaient avec lui. Par la suite, il mit
fin à son travail chez ce Blanc et s’en retourna au village. Il
persévérait dans sa foi, se rendait à tout moment au culte et
enseignait même. Les anciens de Kitulente, fort contents de la
conduite du Père, se mirent à suivre son exemple en se rendant à
la maison de Dieu.
Le
mariage du Père
La
conduite du Père était droite aux yeux de tous, aussi bien des
vieux que des jeunes de son âge. Voilà pourquoi, un homme
originaire de Kitulente répondant au nom de Nsakala Mbuengo, qui
avait une nièce nommée Dionso, tenait à ce que celle-ci soit
mariée au Père. Lorsque le Père fut informé de ce projet, il
accepta et le moment venu, il demanda la main de la jeune fille qui
accepta. C’est ainsi que, depuis ce temps-là, est né leur amour.
Il ne se passa guère beaucoup de jours que tout ce qui est exigé
pour la célébration du mariage fut prêt. Il ne restait pour les
deux jeunes gens qu’à être unis.
Cependant,
Tata Harvey30
informa Père qu’il allait être envoyé comme catéchiste à
Buete. Aussi, les deux projets, celui de leur mariage et celui de son
envoi comme enseignant à Buete, coïncidèrent-ils. Comment cela
allait-il se passer ? Tata Harvey fit savoir au Père qu’ils
allaient être mariés à l’église le dimanche et que le
lendemain, lundi, il prendrait le chemin de Buete. Il en fut ainsi.
Ils se marièrent le dimanche et, le lundi, le Père quitta sa femme
pour se rendre à Buete où il était envoyé comme catéchiste. Il
était accompagné de Solomoni Nganga pour l’assister. Lorsqu’il
eût accompli environ un mois à Buete, au début du mois suivant, ce
fut la Sainte Cène à la mission de Mpalavala. Chaque catéchiste
devait présenter au chef de l’Eglise le rapport du travail réalisé
le mois écoulé. Le Père, ainsi que les catéchistes des autres
contrées, se rendit à Mpalavala dans ce but. Lorsqu’ils se
dispersèrent, le Père retourna à Buete, cette fois avec sa femme.
Ces événements eurent lieu en 1899.
Le
début du ministère du Père à Vunda
Des
mois s’écoulèrent. Le Père et un autre catéchiste nommé Joani
Nkutsi conçurent le projet de porter la Bonne nouvelle jusqu’à
Mbanza-Vunda. Sa femme séjournait tantôt à Buete, tantôt à
Mpalavala. Un jour, le Père et l’autre catéchiste se mirent en
route pour se rendre à Vunda sur le mont Tadi. Une fois sur place,
ils se rendirent compte que les habitants de ce village avaient le
cœur peu disposé à entendre la Bonne nouvelle. Et pour se moquer
d’eux,
ces
derniers se mirent à crier : « Oh ! Venez !
Venez ! ». D’autres répondirent : « Qu’y
a-t-il donc ? Qu’y a-t-il ? ». Les premiers
reprirent : « Dieu ! Dieu ! Venez donc ! ».
C’était l’époque de la culture des champs. Ils se virent
aussitôt encerclés par les villageois. Les femmes les injuriaient
et les menaçaient avec toutes sortes d’objets tels que des houes,
tandis que les hommes se mirent à les rosser abondamment. Bientôt,
le duki
du village nommé Mayingila arriva sur les lieux. Faisant semblant
d’empêcher les villageois de frapper les deux catéchistes, il
tentait de ramener ces derniers au village. Cependant, comme ces
gens continuaient à les battre de plus belle, le Père et l’autre
enseignant prirent la fuite, craignant de retourner au village et de
s’y voir infliger de plus graves sévices. Aussi, continuèrent-ils
à courir jusqu’à la sortie du village. Les villageois s’en
retournèrent chez eux et le Père et l’autre catéchiste
poursuivirent leur chemin jusqu’à Buete.
Depuis
lors, le Père ainsi que d’autres catéchistes partait de Buete
pour aller annoncer la Bonne nouvelle dans les contrées de Luanika,
Yoyo, Nganda, Luangu lua Vunda, Ntala, etc., sans jamais arriver à
Vunda dia Mongo à Tadi. Après un long laps de temps, le Père et
les autres enseignants, brûlant toujours du désir d’apporter la
Bonne nouvelle jusqu’à Luanika, quittèrent Buete avec l’intention
d’aller construire une maison qui leur servirait de centre
d’accueil. Le Père et un catéchiste nommé Stéphane Ngiambu se
rendirent donc une fois de plus dans cette contrée et
s’installèrent en un endroit nommé Kilumbu. Ils y passaient la
nuit avec l’intention de construire la maison au bout du village.
Ils eurent beaucoup de mal à construire cette maison, car ils
étaient seulement deux, les autres catéchistes ne les ayant pas
accompagnés jusque là. En outre, Stéphane Ngiambu, l’autre
enseignant qui accompagnait Père, était déjà avancé en âge et
n’était donc plus apte à travailler comme un jeune homme. Ainsi,
le Père a beaucoup souffert pour la construction de cette maison, vu
qu’il devait prendre sur lui presque tous les travaux. Les
villageois ne se souciaient guère de les assister dans cette tâche.
Bien au contraire, ils continuaient à les menacer.
La
construction de la maison était presque achevée lorsque deux
autres catéchistes nommés Joani Nkutsi et James Mpitu arrivèrent
pour leur apporter du sel. En effet, le Père et Stéphane Ngiambu
venaient de faire près de deux mois sans manger de la nourriture
salée. Lorsque les villageois virent que la maison était sur le
point d’être achevée, ils cherchèrent le moyen de faire
déguerpir ces catéchistes. Pour cela, ils se rendirent auprès
d’un homme, un métis qui avait autrefois travaillé à la
Compagnie, et qui était en train de se construire une maison aux
environs de Bangu. Les villageois demandèrent à cet homme d’aller
effrayer les catéchistes et de les pousser à fuir leur village.
Comme il était métis, les villageois le considéraient comme un
Blanc, c’est-à-dire un homme extraordinaire. Celui-ci accepta et,
ce jour-là, il se présenta à Kilumbu, au lieu où les catéchistes
passaient la nuit, armé d’une chicote. Après qu’il eût demandé
aux catéchistes d’où ils venaient, ce qu’ils étaient venus
faire et qui ils étaient, ces derniers lui expliquèrent qu’ils
étaient des enseignants de la Mission protestante. Ayant entendu
cela, il s’en retourna chez lui sans rien faire aux catéchistes.
S’étant
rendus compte que cet homme n’avait rien fait qui puisse faire fuir
les catéchistes, les villageois le suivirent chez lui. Là, ce
dernier leur conseilla : « Vous voulez faire fuir ces
catéchistes ? Il n’y a qu’une chose à faire : mettre
feu à leur maison ». Les villageois trouvèrent l’idée
excellente. Ainsi, très tôt matin, ils allèrent mettre le feu à
la maison qui fut complètement consumée, le Père et ses compagnons
n’en sachant rien. Le matin, ces derniers virent venir les
villageois qui les chassèrent de la maison qu’ils occupaient à
Kilumbu, les enjoignant de quitter les lieux au plus vite sans
laisser le moindre objet dans la maison. Aussi, le Père et ses
compagnons s’apprêtèrent-ils en vitesse et se mirent-ils en route
en passant par la maison qu’ils venaient de construire. Mais là,
quelle ne fût leur surprise de constater que la maison avait été
complètement détruite par le feu.
Ils
portèrent aussitôt la nouvelle à Mpalavala à Master Boone, le
pasteur qui avait remplacé Tata Harvey rentré en Europe pour les
vacances. Lorsqu’il apprit cette nouvelle, Master Boone la transmit
à Boma, où on lui demanda d’aller prendre les mesures de la
maison. Accompagné du Père, Master Boone arriva à Vunda et informa
le duki
du village que la maison de la Mission protestante qui avait été
incendiée devait être restituée. Ces propos firent bien rire le
duki
qui rétorqua que les autochtones ne pouvaient pas payer pour
cette maison, puisque ceux qui l’avaient construite n’avaient pas
sollicité l’autorisation pour ce faire. En outre, poursuivit-il,
les ressources du pays qu’ils avaient utilisées, tels que l’herbe,
le bois et les cordes, leur appartenaient-elles ? Est-ce eux qui
les avaient plantées ? Enfin, le duki
apprit à Master Boone que c’était un de ses collègues blancs qui
était à l’origine de l’incendie qui avait ravagé cette maison.
Sur ce, l’on fit venir le métis. Mais, au terme de cette entrevue,
les deux parties ne parvinrent pas à s’entendre. C’est pourquoi,
Master Boone s’en retourna à Mpalavala où son arrivée coïncida
avec le retour de Tata Harvey de l’Europe. Celui-ci prit alors
l’affaire en main et la porta à la connaissance du Commandant à
Matadi.
Ayant
appris cela, le commandant en personne se mit en route pour Monolithe
avec Nsakala Nsimba et quelques policiers. Lorsqu’ils apprirent que
le bula
matari
arrivait, les villageois firent fuir le métis, de sorte qu’on ne
le retrouva plus. Arrivés au village, le commandant et ses policiers
tourmentèrent fort les villageois et leur duki
qui furent battus. Il fut finalement décidé que les villageois
devaient construire une autre maison pour la mission protestante. Il
n’y eut aucune contestation à ce sujet, car l’affaire était
entre les mains du bula
matari.
Une autre maison fut construite en quelques jours seulement.
Cependant, avant que celle-ci ne fût achevée, quelques habitants de
Luanika se convertirent au christianisme et commencèrent à
fréquenter la maison de Dieu. Voilà les souffrances que le Père
endura pour l’édification de l’œuvre du Seigneur dans la
contrée de Luanika, laquelle existe jusqu’à ce jour. Ces choses
se passèrent entre les années 1899 et 1902. Le Père persévérait
dans l’œuvre du Seigneur dans cette contrée. De 1899 à 1904,
lui, ainsi que d’autres catéchistes, allait, à partir de Buete,
enseigner la Bonne nouvelle à Luanika, Yoyo, Nsanda, Kilolo,
Ntiantete, Luangu Lua Vunda, Ntala, etc...
Les
enfants du Père et sa maladie
En
1900, il eut son premier enfant, un garçon. C’est Alamy John. Cet
enfant est né à Mpalavala le 24 février 1900. En 1902, il eut son
deuxième enfant, une fille nommée Kuangu Milami. Elle est née à
Mpalavala également, au mois de novembre. En 1904, il eut son
troisième enfant, un garçon appelé Mafuta Jacques. Il est né à
Mpalavala le 1er
juin 1904.
Auparavant,
au mois de mars de la même année, Tata Harvey avait envoyé le Père
aux études à Mbanza-Manteke afin de lui donner l’occasion
d’approfondir et d’augmenter sa connaissance de la Parole de
Dieu, en vue de bien faire son travail. En ce temps-là, les
catéchistes poursuivaient leurs études tout en répandant la bonne
nouvelle partout où ils étaient envoyés par les dirigeants de
l’Eglise de l’époque.
En
1908, Père eut son quatrième enfant, une fille nommée Zitana
Esther, née elle aussi à Mpalavala. Après la naissance de ce
quatrième enfant, le Père eut à beaucoup souffrir à cause de la
maladie de son épouse. Les Blancs de la mission protestante avaient
décidé qu’il devait absolument se rendre à Kimpese pour y
poursuivre ses études. Toutefois, il n’était pas autorisé à
amener sa femme du fait qu’elle souffrait d’une maladie
contagieuse. Bien qu’il ne fût pas permis à un homme de résider
à Kimpese sans son épouse, le Père y fut tout de même admis, car
il était évident que sa femme n’était pas en bonne santé pour
pouvoir l’y accompagner. Le Père fut admis à Kimpese en janvier
1909. Les enseignements étaient assurés par Tata Moon et Mfumu
Lewis. A cette époque, le Père et ses collègues durent construire
eux-mêmes les maisons qu’ils devaient occuper à Kimpese, car la
mission était encore nouvelle : il n’y avait pas de maison.
Les Blancs ont dû eux aussi construire leurs maisons. Toutefois,
des ouvriers furent engagés pour faire ce travail. Le Père
mangeaient en compagnie de ses collègues mariés, tels que Timothée
Masampu, Noé Nsiku et Joseph Mabuaka ainsi que leurs épouses. En
1910, il dut interrompre ses études à Kimpese. En effet, les Blancs
l’avaient choisi pour remplacer Tata Hall à la mission de
Mpalavala, ce dernier devant rentrer en Europe pour aller se reposer.
Cette
même année, le catéchiste qui exerçait à Noki, Stéphane
Ngiambu, fut tué avec un fusil. C’est pourquoi, tout en faisant
l’intérim de Tata Hall à la mission de Mpalavala, le Père
devait également combler le vide laissé par ce catéchiste à Noki.
Ainsi, il devait parcourir les contrées de Mpalavala et de Noki. Il
a beaucoup souffert pour cela. Mais, il a supporté jusqu’au retour
de Tata Hall de l’Europe le 24 décembre 1912. Depuis lors, le Père
travaillait avec Tata Hall à la mission. C’est cette année
également que fut né son cinquième enfant, un garçon nommé
William Hall. A la suite de la pénible maladie dont souffrait sa
femme, celle-ci mourut le 6 janvier 1913. Comme il était resté avec
cinq enfants dont le dernier ne savait pas encore marcher, il ne
devait donc pas tarder pour se choisir une autre aide. C’est
pourquoi, il se préoccupa beaucoup de trouver une autre femme qui
serait disposée à accepter une telle charge.
On
le renseigna qu’il pouvait trouver une telle femme dans la contrée
de Mbanza-Manteke. C’est ainsi qu’il s’y rendit et y découvrit
effectivement la femme qui lui convenait et qui accepta de prendre
en charge les enfants qu’elle allait trouver sous le toit conjugal.
Cette femme, c’est maman Lufuma Lie. Lorsque tout ce qui concerne
le mariage fut prêt, ils furent unis par Tata Nguankazi Richards en
l’église de Mbanza-Manteke, le 25 juillet 1913. Le 30 juillet
1913, ils quittèrent Mbanza-Manteke pour se rendre à pied à
Mpalavala où ils arrivèrent le 1er
août 1913. Les habitants de Mpalavala et Tata Hall, le Blanc qui
travaillait avec Père, étaient très contents.
Dès
lors, maman Lufuma se consacra à la tâche d’élever les enfants.
Ceux qu’elle a trouvés chez son mari, elle les a bien gardés
comme une mère garde ses propres enfants. Ce témoignage est connu
de tous les habitants de Mpalavala. Le 20 mai 1914, le Père a eu le
sixième enfant, le premier avec sa deuxième épouse, une fille
nommée Mizila Annette. Le jour où fut né cet enfant, c’est ce
jour même où William Hall, le cinquième enfant qui était resté
tout petit de la première femme, marcha.
De
graves dissensions surgirent entre le Père et Tata Hall, le Blanc
qui travaillait avec lui31.
Le Blanc fut condamné par les responsables de l’Eglise de
l’époque. Aussi dut-il rentrer définitivement en Europe. Ces
événements eurent lieu en 1916. Depuis cette année-là, le Père
n’a plus voulu travailler chez les missionnaires. Il alla se faire
embaucher à la Compagnie à Matadi et y resta jusqu’en 1919,
année où il a eu le septième enfant, le deuxième avec maman
Lufuma Lie, un garçon nommé Vuadi Jérôme Samuel. Il naquit le 19
octobre 1919 à Matadi.
En
cette année 1919, la Mission protestante insista auprès du Père
afin qu’il reprenne le service de Dieu. Celui-ci accepta et fut
envoyé à Kimpese auprès de Tata Moon. Il y demeura jusqu’en
1921, année où il fut muté à Ndemba pour y exercer le métier de
catéchiste. C’est là que vint au monde leur huitième enfant, le
troisième avec maman Lufuma, une fille nommée Makinu Louise, née
le 20 mai 1922. Peu avant que le Père ne reprenne son travail de
catéchiste, William Hall, son cinquième enfant avec sa première
épouse, maman Dionso, était décédé en 1918. A Ndemba, le Père
connut beaucoup de problèmes, car il travaillait sans être payé.
Aussi conçut-il l’idée de partir de là cette même année pour
rentrer à Mpalavala, où il entreprit des travaux des champs pour
son propre compte. Il avait en outre l’intention de se construire
une maison à Mpalavala. Une fois arrivé sur place, il aménagea une
concession où il installa ses champs. Cette concession avait pour
nom Masoka. C’est là que fut né leur neuvième enfant, le
quatrième avec maman Lufuma, un garçon nommé Vita Emmanuel,
l’auteur de ce récit. Il est né le 13 octobre 1925 à Masoka.
Avant
la naissance de cet enfant, le Père s’était fait embaucher une
fois de plus à la Compagnie comme convoyeur (garde-train)32
sans pour autant abandonner le travail des champs. Il travailla à la
Compagnie de 1924 à 1928, l’année de naissance (le 9 mai) des
jumelles Makanzu Marie et Nsimba Henriette ses dixième et onzième
enfants, cinquième et sixième avec maman Lufuma. Avant la naissance
des jumelles, le Père avait été, en cette même année, appelé
avec insistance par la Mission protestante à reprendre du service
comme catéchiste. Il accepta et fut envoyé à la mission de Matadi.
Cependant, alors qu’il était en poste à la mission de Matadi, le
Père tomba brusquement malade le 25 décembre 1928. Il s’agissait
de la maladie du sommeil. On essaya de le soigner à la mission de
Matadi. Cependant, comme on n’arrivait pas à déterminer la nature
de la maladie, celle-ci ne faisait que s’aggraver. C’est
pourquoi, il apparut qu’il devait aller à Mpalavala. Ils s’y
rendirent au début de l’année 1929, mais, il n’y resta que
quelques jours et fut transféré à Mbanza-Manteke, pour des examens
approfondis et des soins appropriés. Cependant, l’on n’arrivait
toujours pas à déterminer la cause de la maladie. C’est ainsi
qu’il fut encore renvoyé à Mpalavala la même année. Là, son
état empira.
Lorsque
Tata Moon à Kimpese apprit cette nouvelle, il envoya Timothée
Vingadio, catéchiste et infirmier de son état, pour aller chercher
le Père ainsi que sa femme et ses enfants et les amener à Kimpese.
Il avait instruit ce dernier (Timothée Vingadio) que quelque soit
l’état où il allait trouver le Père, même si celui-ci était
grabataire, il fallait le ramener à Kimpese, avec sa femme et ses
enfants. C’est ce qui fut fait : le Père et son épouse ainsi
que quelques enfants firent route avec Timothée Vingadio jusqu’à
Kimpese. A Kimpese, Tata Moon et d’autres Blancs cherchèrent sans
succès la cause de la maladie dont souffrait le Père. Il fut décidé
qu’il devait se rendre à Nsona-Mbata, pour être examiné par Dr
Tuttle, qui se trouvait sur place. En effet, Dr Fress, à
Mbanza-Manteke, se trouvait à cette époque en vacances en Europe.
Le Père fut conduit à Nsona-Mbata par Timothée Vingadio. Là,
après qu’il eût été examiné par Dr Tuttle, la maladie fut
diagnostiquée. Ce médecin prit les médicaments - dix injections -
restés du traitement de Master Hill, qui avait été traité pour la
même maladie, et lui en administra une sur place. Il fut ensuite
renvoyé à Kimpese avec les neuf injections restantes.
Mais,
lorsque la rentrée des classes fut proche, il apparut qu’il
n’était pas possible de garder le Père à la mission de Kimpese,
car la place était insuffisante. C’est pourquoi, comme il s’est
trouvé que Dr Fress, de retour de l’Europe, venait de regagner
Mbanza-Manteke, il fut décidé que le Père devait se rendre auprès
de ce dernier. Tata Moon organisa le voyage du Père avec sa femme et
ses enfants pour Mbanza-Manteke. C’est avec le camion de la mission
qu’ils y furent conduits en compagnie de Mama Bonar, qui, durant le
voyage, aidait notre mère à porter les tout petits enfants qui
étaient avec elle, à savoir Makanzu Marie et Nsimba Henriette. A
Mbanza-Manteke, le Père fut bien traité par Dr Fress qui lui
administrait les injections qu’il avait ramenées de Nsona-Mbata
ainsi que d’autres médicaments.
Après
quatre injections seulement, le changement fut perceptible en lui.
Aussi ne parut-il plus nécessaire à Tata Fress que le Père
continuât à demeurer à l’hôpital. Lorsque la nouvelle parvint
aux oreilles de Tata Moon, il acheta une maison d’une valeur de 200
Francs pour le Père au village de Kivulusa, à Mbanza-Manteke, afin
que ce dernier y habite avec sa femme et ses enfants, jusqu’à ce
qu’il aurait recouvré sa santé. Des souffrances de tous genres
ont entouré la maladie du Père à Mbanza-Manteke, où ils furent
réduits à la misère, car tous leurs biens durent être vendus pour
résoudre toutes sortes de problèmes. Mais le pire, ce fut la perte
de leur huitième enfant, le troisième avec Mama Lufuma, leur fille
nommée Makinu Louise, décédée en 1930 à Mbanza-Manteke.
Cependant, la mère a enduré cette épreuve et placé son espérance
en Dieu. Elle intercédait pour le Père, afin qu’il recouvre la
santé. Tout ce qui est arrivé à Mbanza-Manteke en rapport avec la
maladie du Père ne peut pas être raconté et cela n’a d’ailleurs
aucune importance.
En
1934, il apparut que le Père était guéri et il fut décidé qu’il
pouvait rentrer à Mpalavala. Les Blancs de la mission protestante de
Nsona-Mpangu, tel que Tata Geil, choisirent le Père pour aller
veiller sur la paroisse de Mpalavala qui était demeurée sans
personne. C’est pourquoi, le Père, la mère et les enfants qui
étaient avec eux se préparèrent à quitter définitivement
Manteke. Ainsi, au mois d’août de l’année 1934, ils regagnèrent
Mpalavala. Dès son arrivée à Mpalavala, le Père s’engagea
aussitôt dans le travail de la paroisse, où il résidait avec ses
enfants. En 1936, Dieu leur accorda encore une progéniture :
ils eurent leurs douzième et treizième enfants, soit les septième
et huitième avec mama Lufuma, un garçon et une fille, des jumeaux
nommés Makanzu Paul et Nsimba Hélène. Ils sont nés à la paroisse
même de Mpalavala. En 1937, le Père revint à son ancien projet de
cultiver des champs pour son propre compte. Il aménagea un terrain à
Matumbi. Il travaillait à la paroisse tout en s’occupant de ses
champs.
En
1945, il quitta la paroisse pour résider au village de Kitulente,
où il se bâtit une belle maison. Cependant, il travaillait tantôt
à la paroisse, tantôt dans ses champs, jusqu’en 1953. Lorsque son
corps commença à se fatiguer sous le poids de l’âge, il
abandonna définitivement le travail à la paroisse et à partir de
cette année-là et jusqu’à ce jour, il se consacra uniquement au
travail des champs. Le Père fut pensionné pour le travail accompli
à la mission. Au moment où est rédigé ce récit, le Père vient
de totaliser 88 ans d’âge.
En prenant comme point de départ 1879, année supposée de sa
naissance, le Père avait 90 ans en 1969, année où fut recueilli ce
récit. Il est décédé en 1974, à l’âge de 95 ans.
Il a eu 13 enfants : 6 garçons et 7 filles. Trois de ses
enfants sont décédés : 2 garçons et une fille, soit le
premier (un garçon), le cinquième (un garçon) et le huitième
enfant (une fille), selon leur ordre de naissance. Il a eu 63
petits-enfants, 101 arrières petits-enfants et un arrière arrière
petit-enfant, soit une descendance de 178 personnes dont 3 décédés.
Les
voyages du Père à Ntiminasi
En
1901, le Père partit de Mpalavala, amenant avec lui un jeune homme
originaire de Mbanza-Manteke pour l’accompagner jusqu’à
Ntimansi. Mais arrivés à la rivière Kuilu, celle-ci était en crue
car une forte pluie était tombée cette nuit-là. Aussi ne
purent-ils traverser et rebroussèrent-ils chemin.
En
1902, le Père fit route jusqu’à la bifurcation de Nzundu avec des
originaires de Ngombe qui venaient de Matadi pour leur commerce. Là,
les traitants continuèrent leur route jusqu’à leur village,
tandis que le Père prit seul le chemin de Ntimansi. Lorsqu’il
arriva à Ntimansi, on lui apprit que sa sœur était mariée à
Botongo. Le Père s’y rendit et ils se virent. Après qu’ils
eurent causé, le Père retourna à Ntimansi et y demeura environ
deux mois pour assouvir toute sa nostalgie. Il visita toute cette
contrée, avant de regagner Mpalavala.
En
1915, lorsqu’il eut des problèmes avec Tata Hall, le Père vint à
Kimpese où il était convoqué par Tata Moon au sujet de cette
affaire. Sur la route de Lukunga vers Kimpese, le Père a pu
rencontrer sa sœur au village de Botongo. Après qu’ils eurent
causé, il continua le même jour sur Kimpese. Lorsque le problème
pour lequel il avait été convoqué s’était arrangé, il retourna
à Mpalavala.
A
la mort de Nkaka Mvundu (Lema Joseph), en 1953, le Père n’a pas
vu sa sœur, car les funérailles eurent lieu à Ntimansi et sa sœur,
qui se trouvait toujours à Botongo où elle était mariée, n’y
était pas venue. A cette occasion, il s’était vu seulement avec
le fils de sa sœur, son neveu nommé Nkombo. Après l’inhumation,
le Père s’en retourna à Mpalavala.
Par Bogumil Jewsiewicki et Médard Kilola Lema
1
Ce titre est une paraphrase du sous-titre du premier volume de Simon
Kimbangu édité par Jean-Luc Vellut, voir
Simon Kimbangu 1921 : de la prédication à la déportation.
Les Sources. Vol. I Fonds missionnaires protestants (1) Alliance
missionnaire suédoise (Svenska Missionföbundet, SMF),
et (2).
Missions bâptistes et autres traditions évangéliques. Le pays
kongo entre prophétismes et projets de société,
Bruxelles: Académie Royale des Sciences d’Outre-Mer (collection
« Fontes Historiae Africanae »), 2005 et 2010.
2
Dans The
World, the Text and the Critic, Edward
W. Said suggère que tout texte est de quelque manière chargé
de son occasion, des réalités empiriques constituant son contexte
d’émergence. Les textes, dit-il, ont des manières d’exister
qui, même dans leur forme la plus éthérée ou sublime, sont
engagées dans une circonstance, un temps, une place, une société.
Ils sont dans le monde et de ce fait sont nantis, chargés, d’une
certaine mondanité - Edward
W. Said, The
World, the Text and the Critic,
Cambridge, Massachusetts, Harvard University Press, 1983, p. 35.
3
Au sens de kaïros,
temps favorable pour discerner des signes susceptibles d’aider à
saisir une vérité.
4
Voir Isidore Ndaywel è Nziem, La
société zaïroise dans le miroir de son discours religieux
(1990-1993),
Bruxelles, « Cahiers africains » 1993/6.
5
Un propre est pour Michel de Certeau, ce lieu à partir duquel un
acteur peut construire des stratégies en capitalisant sur les
résultats de ses actions.
6
Les notices biographiques dans le second tome du recueil de
documents Simon Kimbangu édité par Jean-Luc Vellut permettent son
identification. Il s’agit d’un missionnaire baptiste Willame
Hall originaire de la Jamaïque.
7
G.A. Hult, témoin direct, considère que par « par
l’intermédiaire du prophète Kibangu, Dieu s’était
manifesté directement à la race noire. » et s’élève
contre l’opinion d’un administrateur qui lui aurait déclaré
« Si le Christ veut se manifester sur terre, il ne le fera
jamais sous la forme d’un noir. » (1/1, p. 130).
8
Jean-Luc Vellut et moi-même en avons publié chacun une analyse. Il
s’agit de la dernière exécution publique à Lubumbashi,
Elisabethville de l’époque. Dans la mémoire de la ville, sa
victime sera érigée en ancêtre fondateur de la société urbaine.
9
Les documents qu’il a rassemblés montrent qu’en situation
coloniale un travail interne d’élaboration de l’autonomie de
l’individu et de la collectivité est non seulement possible, mais
qu’il a effectivement eu lieu. N’est-ce pas un argument
supplémentaire en faveur de la « banalité » des voies
africaines d’entrée dans la modernité ? Quoi d’autre a-t-il eu
lieu en Amérique du Nord accouchant des États-Unis, à l’exception
du fait que dans ce cas le succès politique a suivi l’exigence
d’autonomie confessionnelle.
10
Jan Assemann, Religion
and Cultural Memory,
Stanford, Stanford University Press, 2006.
11
Le travail en cours de Vellut doit être lu avec celui de Jan
Vansina sur les sociétés du Kasai à la même époque, Being
Colonized : The Kuba Experience in Rural Congo 1880-1960,
Madison WI, University of Wisconsin Press, 2010. Je pense surtout à
son dernier livre sur les Kuba déjà accessible, mais encore
davantage à son travail en cours – dont il m’a permis de lire
les premiers résultats –sur une collection de documents d'un
agent NAHV chef de la factorerie d’Ibanche de 1898 à 1904.
12
La modernité construite de l’intérieur est au centre de ses
intérêts depuis 1972 lorsque paraît « Notes sur le Lunda et
la frontière luso-africaine », Etudes
d’Histoire africaine
(Louvain-Paris), p. 61-166 qu’actualise l’article Angola-Congo.
L’invention de la frontière lunda 1889-1993, Africana
Studia,
9, 2006, p. 159-184
13
Personne dans l’administration ne semblait comprendre ni leur
symbolisme biblique ni leur signification historique pour la
société congolaise. Alors que l’administration coloniale
appuyait sa légitimité locale sur la délivrance des Congolais de
l’« esclavage arabe », les chaines et le fouet plaçait
l’État colonial dans la succession directe de ces derniers.
14
Cette
histoire de vie de notre aïeul a été recueillie et transcrite en
kikongo par Vita Vuadi Nsikula Emmanuel (son fils) le 26 septembre
1969. La traduction en français a été terminée le 3 décembre
2009 par Médard Lema Kilola Ndombele (son petit fils). Toutes les
notes ont été rédigées par ce dernier.
15
1870 dans le texte,
mais le traducteur estime qu’il s’agit d’une faute de frappe.
Le calcul (1899 – 1879 = 20) indique plutôt 1879 comme année de
sa naissance.
16
Vuadi Annette était le 6è enfant de Vuadi Joseph, fille aînée
conçue avec sa deuxième épouse. Elle est grande-sœur de l’auteur
de ce récit, Vita Vuadi Nsikula.
17
La graphie officielle Palabala est une corruption de Mpalavala. Le
plateau de Palabala est entré dans l’histoire écrite avec le
passage dans ce village du navigateur portugais Diego Cao en 1482.
18
Actuelle
ville de Boma, à environ 75 Km de Palabala, soit 60 Km de Matadi,
sur la rive droite du fleuve Congo. Boma était la première
capitale du Congo.
19
Littéralement : « C’est dans la maison de cet homme
qu’ils étaient reçus pour le manger, le boire et
l’hébergement… ». A la lumière de ce récit, l’on voit
que les habitants de Palabala s’étaient spécialisés dans le
courtage s’imposant comme intermédiaires entre les Portugais
installés à Mboma et les trafiquants venant de l’arrière-pays.
Dans ce contexte, plusieurs avaient transformé leurs demeures en
« auberges ».
20
Mbabu,
personne rusée, un escroc. A cette époque, des gens agissant
individuellement ou en groupe s’étaient spécialisés dans le
rapt d’êtres humains par ruse, par tromperie ou escroquerie ;
ces derniers perdaient leur liberté devenant la propriété du
ravisseur.
21
Mpalavala ou Palabala est bâti sur un haut plateau au bas duquel
coule la rivière Mpozo, à 15 km de la ville de Matadi sur la
route nationale n° 1 Matadi-Kinshasa
22
Ainsi, Lema Joseph, alias Mvundu, était le neveu de Vuadi Joseph,
demi-frère de sa mère né d’un même père qu’elle, et dont il
épousa la fille, Vuadi Annette. Il eut avec celle-ci huit enfants,
dont le traducteur de ce récit. Ce type de mariage dit préférentiel
était courant chez les Kongo.
23
Du français duc, titre donné au représentant autochtone de l’Etat
colonial dans chaque village. Il assistait le chef coutumier.
24
Hormis les quelques éléments retenus, la liste des noms qui suit
est sans intérêt. Vuadi Jérôme-Samuel est le 7ème
enfant de Vuadi Joseph, soit le 2ème
avec sa seconde épouse.
25
Terme kikongo signifiant combattant, vaillant, brave, mais difficile
à traduire dans ce contexte où il désigne une personne qui
assiste l’instigateur d’un rapt par ruse.
26
7ème
enfant de Vuadi Joseph, soit le 2ème
avec sa seconde épouse.
27
Nom par lequel les autochtones désignaient l’Otraco (Office des
transports coloniaux), aujourd’hui Onatra, qui était pour eux, en
quelque sorte, « La Compagnie » par excellence.
28
Littéralement « casseur de pierre », nom par lequel on
désignait l’autorité de l’Etat colonial.
29
« Soda » dans le texte. Il s’agissait probablement de
policiers.
30
Aux missionnaires expatriés on accordait souvent désignés le
titre tata
(père), ngwankazi
(oncle), mfumu
(chef), mama
(mère), etc. Le nom du Révérend Harvey, est parfois orthographié
Hervey dans la transcription en kikongo.
31
Lors de l’interview qu’il m’accorda deux ans plus tard, soit
en 1971, percevant une certaine réticence chez mon grand-père à
aborder cet épisode, j’insistais pour connaitre la nature exacte
du conflit qui l’opposa à son chef hiérarchique. Grand-père
finit par avouer, sans plus de détails, que « Tata Hall avait
tenté de tourner autour de ma femme », raison pour laquelle
il l’avait accusé auprès des responsables de l’Eglise. Sur mon
insistance peut-être un peu indiscrète, il ajouta qu’il n’était
pas jaloux, parce qu’ « il n’y avait pas de raison
d’être jaloux ». On peut néanmoins noter que le différend
fut assez profond pour amener cet évangéliste zélé à abandonner
son ministère pour s’occuper d’une humble tâche profane. Si,
du moins, c’est ce différend qui fut à la base d’une
décision aussi grave.
32
En français dans le texte en kikongo.
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