(Par Médard Lema Kilola, Journaliste et historien).
"Plus pacifiste qu'un Mukongo tu meurs! "
C'est un officier de la police nationale congolaise chargé de la sécurité au Bas-Congo qui lance cette affirmation teintée d'ironie. Sourires entendus de l'assistance, une demi-douzaine de "camarades" attablés autour d'un verre. Il y a là représentés les quatre grands groupes ethniques du Congo (swahili, luba, ngala et kongo), conformément à la loi sur les partis politiques en RDC. Ils viennent tous de Kinshasa à l'occasion de la sortie officielle d'un parti politique allié à la majorité présidentielle."Ben, alors! commente quelqu'un, votre travail doit en être rudement facilité, pas vrai?" "Et comment!" opine le policier. "Quelle que soit la gravité du conflit qui les oppose entre eux, les Bakongo ne recourent jamais à la violence pour régler leurs problèmes. Là où d'autres régleraient l'affaire à coups de machette, ici tout se termine par la palabre avant que la police n'intervienne. Alors, c'est vrai : on ne se foule pas trop!"
Il y a, il faut bien le reconnaître du vrai dans les propos de ce policier. Il est d'ailleurs de notoriété - et les Bakongo n'en sont pas peu fiers - que tout au long de l'histoire tumultueuse de la jeune nation congolaise, le Bas-Congo est resté à ce jour la seule province à n'avoir pas abrité de conflit armé. "C'est normal : c'est la patrie du prophète Simon Kimbangu", aiment à rappeler les ressortissants de cette province. Cependant, subodorant quelque malice dans cette boutade, je ne peux m'empêcher de penser que si je n'avais été là, ce policier d'origine katangaise aurait carrément parlé de la "poltronnerie" des Bakongo.
En effet, au sein de la mosaïque d'ethnies composant le Congo, le proverbial pacifisme des Bakongo est devenu un sujet à sarcasmes. En retour, il n'est pas rare aujourd'hui de voir des jeunes Bakongo affranchis de la tutelle des traditions s'insurger contre le comportement de leurs aînés jugé par eux timoré. Ils estiment à tort ou à raison que celui-ci est en partie à l'origine des discriminations et autres brimades dont leur ethnie est actuellement victime dans l'administration centrale et territoriale, l'enseignement, les entreprises publiques, la police et l'armée.
Un tel malaise règne aujourd'hui dans tout le corps social kongo qu'un jour, l'ancien président de l'assemblée provinciale du Bas-Congo, Kimasi Matwiku, a déclaré dans une allocution officielle : "Bundu dia Kongo dit tout haut ce que tous les Bakongo pensent tout bas". Ainsi voilà, en une phrase, cernée toute la problématique de Bundu dia Kongo (BDK) au Bas-Congo.
C'est en effet le sentiment qu'ont les Bakongo d'être les mal-aimés du régime en place en RDC qui a fait le lit de cette organisation politico-religieuse à travers toute la province du Bas-Congo. C'est précisément de ce sentiment qu'elle s'est faite, au fil des ans, le porte-voix, au grand dam de ses adversaires politiques moins courageux ou plus enclins à collaborer avec le pouvoir de Kinshasa.
Le phénomène Bundu dia Kongo
2006. A mon arrivée à Matadi, capitale de la province du Bas-Congo, le référendum pour l'adoption de la constitution de la IIIè république vient d'avoir lieu. A l'occasion de cette consultation, Bundu dia Kongo avait battu campagne contre l'adoption de la nouvelle loi fondamentale. Il s'était alors pour la première fois de son histoire révélé comme une force politique incontournable sur l'échiquier congolais. Au moment où le Congo s'acheminait vers les premières élections libres et démocratiques de l'après-indépendance, nouvelle donne avait de quoi inquiéter ses adversaires politiques, en particulier les partis de la majorité présidentielle.
C'est à cette occasion que pour la première fois je fus frappé par ce qu'on appelait déjà à l'époque le "phénomène Bundu dia Kongo". Auréolé par la mystique de la renaissance du peuple kongo dont il semble chargé, ce phénomène transpire notamment dans la ferveur impatiente avec laquelle tous les Bakongo attendent et accueillent la bonne parole de N'longi a Kongo (1) dispensée au moyen de sa publication intitulée Kongo Dieto (2).
En reprenant le titre emblématique du tabloïd qui a fait la force de l'Abako (Alliance des Bakongo) à l'époque de l'indépendance du Congo, Ne Muanda Nsemi bat en quelque sorte le rappel des troupes. Par ce titre, il rappelle aux Bakongo la glorieuse épopée de leur ancien parti qui, au moyen des seules armes de la non-violence, avait combattu le colonialisme belge jusqu'à la victoire finale.
Il apparaissait dès lors de plus en plus clairement qu'il fallait désormais, au cours des joutes électorales qui pointaient à l'horizon, compter, du moins au Bas-Congo, avec cette nouvelle force politique porteuse à la fois des valeurs culturelles et des revendications sociopolitiques des Bakongo.
J'ai personnellement fait la connaissance de Bundu dia Kongo fait religieux au milieu des années 90. Un ami m'avait convaincu d'assister à un culte de ce qui m'avait alors paru comme une secte ngounziste (3), ainsi qu'il en existe plusieurs autres au Bas-Congo. Toutefois, une chose m'avait à cette occasion frappé. Outre le fait qu'il n'y avait que des Bakongo dans l'assistance (le culte était célébré en kikongo), j'ai noté que la grande majorité des personnalités politiques Kongo y était présente. Cependant, à aucun moment l'idée ne me frôla que je pouvais me trouver là en présence d'une force politique potentielle.
C'est durant mon séjour au Bas-Congo en qualité de directeur provincial de l'Agence Congolaise de Presse (ACP) que je pris conscience de cette réalité sousjacente. Il m'apparut clairement que Bundu dia Kongo n'était pas seulement une congrégation religieuse, mais également un mouvement politique qui s'inscrit dans la droite ligne du messianisme kongo, lequel se présente comme un subtil mélange de spiritualité et de politique (4). Bien structuré, BDK était déjà solidement implanté de Kasa-Ngulu à Muanda, jusque dans les coins les plus reculés de la province du Bas-Congo, sans oublier des représentations à l'étranger.
Dès que l'on sut que j'étais originaire du Bas-Congo, je fus contacté d'une manière informelle. Un homme appelé Nescot Luneko, qui deviendra plus tard un ami, se mit à me fréquenter et à me ravitailler en nouvelles et publications diverses provenant de ce mouvement. Je me rendis en outre compte que plusieurs parmi mes journalistes ainsi que d'autres jeunes gens qui me fréquentaient à des titres divers étaient soit des makesa (5) soit des sympathisants de Bundu dia Kongo.
Organisation et idéologie de BDK
Ainsi, bien avant les événements tragiques de 2007-2008 où périrent près d'un millier d'hommes et de femmes du Bas-Congo, j'étais déjà acquis aux idéaux de cette organisation et partageais la plupart de ses préoccupations : justice distributive en faveur du peuple congolais en général et des Bakongo en particulier, large autonomie des provinces, revalorisation des langues et cultures autochtones, etc. Par des contributions financières volontaires, je participais de temps en temps aux différentes actions menées par les responsables locaux. Toutefois, pour des raisons évidentes, je n'avais jamais pris part aux cultes ni fréquenté les zikua (6). Entre-temps, mû par ma curiosité de journaliste et d'historien, je m'étais sans idée préconçue mis à me documenter et à écrire sur ce mouvement.
Je ne prétends pas bien connaître les rouages de Bundu dia Kongo. Mais, comme dans la plupart des organisations de ce type, j'ai cru y déceler grosso modo trois structures fondamentales ou cercles. D'abord le cercle tout à fait extérieur qui est le cercle de recrutement, celui du tout-venant et du membre ordinaire qui, selon des critères connus de la seule hiérarchie, peut ou non évoluer vers un autre statut au sein de l'organisation. Vient ensuite le cercle intérieur, qui regroupe les cadres et/ou dirigeants du mouvement et enfin le troisième cercle ou cercle le plus intérieur est constitué des initiés formant l'Intelligence du groupe (7). Je ne saurais dire avec exactitude auxquels des trois cercles appartenait mon ami. Mais, à l'entendre, il était en contact suivi avec Ne Muanda Nsemi à qui il aurait parlé de moi. Je n'ai jamais pu vérifier la véracité de ses dires à ce sujet.
La force de Bundu dia Kongo réside avant tout dans sa forte implantation sur le terrain, tant en milieu rural qu'urbain, où la cellule de base, le zikua, fonctionne de manière relativement autonome. Au plan idéologique, ce mouvement présente beaucoup de similitudes avec la défunte Alliance des Bakongo (Abako) : substrat ethnique, attachement à la terre, promotion de la langue et des valeurs culturelles kongo, rejet de tout ce qui peut se révéler aliénant et/ou nocif par rapport à l'identité kongo, etc. Cet ethnicisme ou nationalisme kongo est à l'origine de l'accusation de xénophobie portée souvent à tort contre BDK.
L'historiographie de BDK fait remonter les origines de ce mouvement au milieu des années 1960. Mais, à ma connaissance, jusque dans les années 80-90, Bundu dia Kongo a évolué surtout comme un fait religieux, sans un programme politique affiché. Jusqu'à la chute de Mobutu en 1996, rien ou presque ne le distinguait de la multitude des sectes religieuses qui pullulaient alors à travers le pays.
Vide politique et montée en puissance de BDK
En 1996, la disparition soudaine de Mobutu de la scène politique congolaise a eu pour conséquence directe l'apparition d'un vide politique que l'AFDL (Alliance des forces de libération du Congo) de Laurent-Désiré Kabila et autres Déogratias Bugera ne parvint jamais à combler. Contesté bientôt à l'Est du pays qui l'avait porté au pouvoir, Laurent-Désiré Kabila n'a jamais pu trouver à l'Ouest, en particulier au Bas-Congo, l'adhésion populaire nécessaire pour donner une base légitime à un pouvoir issu des armes, pire encore avec le concours de troupes étrangères.
Tenue à l'écart de l'effectivité du pouvoir durant toute la deuxième République, la province du Bas-Congo dut se rendre se rendre à l'évidence: une fois de plus il n'était pas dans les bonnes grâces du nouveau maître du pays. En effet, ce dernier émet, d'entrée de jeu, des signaux alarmants. Du jour au lendemain ceux-ci constatent que deux provinces seulement, quelques symboles de la nation ainsi que le pays lui-même recouvrent sans autre forme de procès leurs anciennes appellations. En effet, le Zaïre redevient le Congo, le Shaba le Katanga, le Haut-Zaïre la province Orientale, le drapeau vert et jaune du défunt parti-Etat cède la place au drapeau bleu frappé de l'étoile d'or et l'hymne de l'Indépendance (Debout congolais) chasse la Zaïroise. Mais, en dépit de la présence au panthéon du nouveau pouvoir de deux Bakongo - Yerodia Abdoulaye Ndombasi et Mawampanga Muana Nanga pour ne pas les citer - le Bas-Congo demeura désespérément le Bas-Congo. Bien plus, en trois ans d'exercice du pouvoir suprême, le nouvel homme fort du Congo ne mit jamais les pieds dans cette province, l'une des plus riches du pays. Des signes qui ne trompent pas. En tout cas pas les Bakongo qui, aujourd'hui encore, soupirent après la dénomination originelle de leur chère province : le Kongo Central (8).
Quoi qu'il en soit, les originaires du Kongo Central, qui avaient pourtant payé plus que ceux des autres provinces un lourd tribut au régime dictatorial de Mobutu en termes de discriminations, intimidations, vexations diverses et occultation du rôle déterminant de leurs élites dans la lutte pour l'indépendance du Congo, se sentirent une fois de plus floués et marginalisés sur la scène politique, où les deux bonzes précités ne figuraient manifestement que comme des faire-valoir.
En ne prenant pas en compte toutes ces récriminations que trois générations de Bakongo eurent à ruminer pendant des années, le nouveau pouvoir ne fit qu'élargir la brèche par laquelle allait bientôt s'engouffrer Bundu dia Kongo qui, année après année, avait su capitaliser ce malaise en se faisant le porte-parole attitré des revendications du peuple Mukongo. C'est ainsi qu'à partir du milieu des années 1990, tous les gouverneurs qui ont eu à diriger le Kongo Central trouvèrent BDK sur leur chemin en tant que force politique montante.
Cette nouvelle force politique devint particulièrement virulente, si l'on ose dire, et commença à peser de tout son poids sur la marche de la province du Kongo central sous le double mandat du gouverneur César Tsasa di Ntumba (1996-2006). Paradoxalement, ce dernier est tout comme Ne Muanda Nsemi un jeune universitaire kongo mais, à l'inverse de ce dernier, il croit aux vertus du dialogue comme moyen de résolution de conflits et collabore activement avec le pouvoir. Il possède une solide expérience d'administrateur acquise dans la territoriale, au Katanga d'abord où il avait fait ses études universitaires, au Kongo Central ensuite. Et si le phénomène BDK a pu durant toutes ces années être contenu dans des limites tolérables pour le pouvoir central, c'est grâce à ses qualités intrinsèques d'administrateur et de médiateur entre la population du Kongo Central et les autorités de Kinshasa.
En juillet 2006, Tsatsa di Ntumba dut personnellement se rendre à Seke-Banza, une bourgade située à 75 kilomètres de Matadi dans le territoire du même nom, où venaient d'éclater des échauffourées entre des éléments de la police et des membres de Bundu dia Kongo. Le cortège gouvernoral avait déjà traversé le fleuve Congo, lorsque j'en fus informé. J'ai téléphoné directement au gouverneur, lui demandant instamment de faire partie de la délégation officielle comme d'autres journalistes. Quoique le cortège fût déjà loin, il accepta et me demanda de le rejoindre par mes propres moyens, m'assurant qu'il me rembourserait les frais que j'aurais eu à engager. Et il tint parole. Je dus faire quelques acrobaties pour le rejoindre, car les moyens de transport sont rares sur les routes peu praticables de l'arrière-pays.
J'ai pu ainsi observer à loisir à cette occasion le phénomène BDK sur le terrain. J'ai assisté à toutes les séances de travail que le gouverneur a eues avec les représentants des différents groupes sociaux de ce territoire. Homme de terrain et partisan de la démocratie directe, Tsatsa di Ntumba n'avait pas peur d'affronter ses administrés dans des face à face parfois tendus, à peine encadrés par les forces de l'ordre.
Malgré la fatigue due aux incommodités du voyage, il eut une séance de travail avec toute la population le jour même de son arrivée et trois autres le lendemain, successivement avec les notables, la jeunesse et enfin les membres de BDK. Il ressort de ces entretiens qu'un profond malaise rongeait le corps social de cette entité rurale devenue depuis quelque temps un des sanctuaires de Bundu dia Kongo.
Sur le plan politico-administratif, on pouvait relever un déficit de leadership, d'une part, et, de l'autre, des abus de pouvoir et des tracasseries commis sur la population par une police locale mal équipée et mal payée. L'administrateur du territoire (AT) était totalement inefficace. En outre, peu au courant des us et coutumes des Bakongo, qui forment une société très policée, ce dernier s'illustrait, semble-t-il, par un comportement jugé indigne par ses administrés. Les habitants de la cité de Seke-Banza, en particulier, l'accusaient de "courir" à la nuit tombée derrière les femmes et les jeunes filles se rendant à la source pour puiser de l'eau. Quant aux policiers, ils se livraient sans vergogne à des exactions sur la population qu'ils harcelaient avec toutes sortes de taxes fantaisistes.
Sur le plan social, le chômage battait son plein, les jeunes ayant pour leur part abandonné depuis longtemps le travail des champs devenu peu rentable en raison des difficultés d'évacuation des produits agricoles. Faute d'autres débouchés sur place, ils se vautraient dans l'oisiveté ou prenaient les chemins aventureux de l'exode vers les centres urbains. Privés en outre de loisirs, beaucoup s'adonnaient à la consommation de drogues, en particulier le cannabis ainsi qu'une nouvelle herbe aux vertus hallucinogènes plus puissantes que celles du chanvre indien, appelée par eux trente-six-oiseaux . Cette situation constituait un terreau favorable à toutes les dérives, dérives que, selon les notables, BDK exploitait avec cynisme, notamment en se substituant aux pouvoirs publics. A la question de savoir ce qu'ils faisaient pour contrer BDK sur ce terrain, les responsables politiques et religieux avouèrent leur impuissance face à la propagande "populiste" de ce mouvement.
Le lendemain, jour fixé pour notre retour à Matadi, j'eus le temps de faire connaissance avec la petite bourgade pour constater que celle-ci disposait d'un grand nombre d'infrastructures. Notamment d'anciens magasins en matériaux durables abandonnés par les commerçants portugais dans les années 70 à la suite de l'opération de "zaïrianisation" et laissés en l'état. J'ai visité la paroisse catholique avec ses beaux bâtiments en briques cuites, le temple protestant ainsi que des salles de classe. La cité est dotée d'un courant électrique stable et de très bonne qualité. Au marché local, j'ai vu les membres de la délégation gouvernorale se ruer sur les régimes de bananes, principale production de la région. Je constatai par contre que le dispensaire local était incapable d'administrer les premiers soins à quelques trois membres de BDK qui présentaient des blessures assez graves.
Je me rendais compte qu'il eût suffi d'une volonté politique affirmée et de moyens conséquents pour que ce territoire et sa population retrouvent une relative prospérité et la joie de vivre.
Derniers à être entendus par le gouverneur, les membres de BDK, une dizaine de jeunes gens âgés de 20 à 30 ans, me donnèrent l'impression d'être encore sous l'emprise de la drogue. Vêtus de haillons, ils avaient des mines hébétées et répondaient difficilement aux questions du gouverneur. Celui-ci promit de prendre en charge leurs soins médicaux. "Trouvez-vous normal que ce soit encore la province et non BDK qui se préoccupe de votre santé?", leur demanda-t-il mi figue mi-raisin. Pour leur part, les jeunes gens avouèrent s'être substitués aux agents publics, parce que ceux-ci harcelaient la population au marché et avoir mis le feu au camp des policiers lorsque ceux-ci ont fait usage de leurs armes contre eux...
Un peu plus tard, voulant connaitre son opinion sur ces événements malheureux, j'abordai l'administrateur du territoire (AT) de Seke-Banza. Sa réponse était très significative.
- Les Bakongo sont des gens très compliqués, commença-t-il.
- Comment cela? m'enquis-je, surpris par cette entrée en matière.
- Ce sont des hypocrites, déclara-t-il tout de go. Ils ne sont pas sincères et vous ne savez jamais ce qu'ils pensent.
- Et vous, lui demandai-je, d'où êtes-vous?
- Moi, je suis Mongo. (9) Chez les Mongo, dit-il, on est ouverts, lorsqu'on a quelque chose sur le cœur, on le dit clairement.
Apparemment, outre ses mœurs légères, l'AT souffrait d'un autre handicap dans sa relation avec ses administrés : un déficit de communication. C'était comme une barrière culturelle et linguistique dressée entre lui et la population qu'il était censé encadrer. D'où, par conséquent, un déficit de leadership.
Toutefois, il faut reconnaître à la décharge du malheureux fonctionnaire que la situation de cette entité n'était pas une exception, loin de là! Sans parler d'autres provinces, on peut oser extrapoler en affirmant que toutes les entités administratives du Kongo Central, en particulier les districts et territoires, où les animateurs sont désignés à partir de la lointaine capitale, connaissent ce genre de problèmes. D'ailleurs, en prescrivant la décentralisation comme mode de gestion des entités administratives et l'élection comme celui de désignation de leurs animateurs, la constitution de 2006 vise précisément à résoudre ce type de contradictions.
Radicalisation du pouvoir : "On va vous écraser"(10)
Dix ans après la prise de pouvoir par l'AFDL, celui-ci (pouvoir) est resté immuable dans sa nature : fondamentalement patrimonial et autocratique. La disparition tragique de Laurent-Désiré Kabila s'est révélée finalement une simple révolution de palais. Pas plus que son père, Joseph Kabila n'a aucun sens de l'Etat et, à ce jour, le pouvoir public repose toujours non sur une adhésion populaire mais sur quelques hommes de son choix. Des hommes de confiance, des vassaux. Comme au temps du Moyen-âge européen.
César Tsatsa di Ntumba était un de ces hommes. Pendant les dix années qu'il a passées à la tête de l'exécutif provincial du Kongo Central, il dut se battre avec les moyens que lui offrait la province pour, d'une part, gérer celle-ci en arbitrant plus d'une dizaine de conflits liés à l'activisme de BDK sur le terrain et, d'autre part, veiller à satisfaire l'appétit gloûton du Raïs et de sa cour, en vue de préserver ses administrés de l'immixtion du pouvoir central dans les affaires de la province. Son départ à l'assemblée nationale en 2006 pour aller assumer son mandat de député marqua un tournant dans l'administration de la province.
En effet, quarante-six ans après son accession à la souveraineté nationale et internationale, le Congo a une fois de plus rendez-vous avec l'Histoire à travers les premières élections libres et démocratiques post-coloniales. A la faveur de ce scrutin voulu par le peuple congolais et imposé par la communauté internationale, Joseph Kabila, arrivé à la tête du pays par un coup d'Etat, accepte de mettre son titre en jeu, souhaitant d'asseoir enfin son pouvoir sur une base légitime et populaire. Pour gagner ce pari, il compte sur les hommes qu'il a eu le temps de placer à la tête des différentes provinces du pays. Au Kongo Central, César Tsatsa di Ntumba s'est engagé à le faire élire sans coup férir.
Facile à dire cependant! Car, dans la pratique, les choses ne s'avèrent pas aussi aisées qu'il y parait à première vue. Il y a des provinces qui se montrent franchement hostiles à la seule évocation du nom de Kabila et le Kongo Central est de celles-là. Tsatsa di Ntumba doit y affronter deux adversaires de taille : Fuka Unzola et Ne Muanda Nsemi. Le premier est le représentant au Kongo Central du MLC (Mouvement de Libération du Congo), le parti de Jean-Pierre Bemba, principal challenger de Kabila à l'élection présidentielle. Le deuxième n'est autre que le leader de BDK, qui venait de coaliser avec ce dernier.
Pour renverser la vapeur en sa faveur, Kabila ira, dans une manœuvre à la fois puérile et pathétique, jusqu'à jeter dans la bataille un ultime joker : sa propre épouse. La première Dame de la RDC descendra pour la circonstance au Kongo Central pour y faire tardivement aveu de ses origines kongo devant une population sceptique et goguenarde.
A l'issue du deuxième tour de cette élection de tous les enjeux, les résultats au Kongo Central sont catastrophiques. Jean-Pierre Bemba en est sorti largement vainqueur avec 452.409 voix contre 157.809 à Kabila, soit 75% des voix contre 25 sur 610.128 votes valides. Une gifle que Joseph Kabila ne pardonnera jamais aux Bakongo. Une rumeur persistante court encore aujourd'hui selon laquelle l'ancien gouverneur Tsatsa di Ntumba, qui mourut peu de temps après ce scrutin historique, aurait payé de sa vie ce cuisant échec.
Privé de la légitimité des urnes, Kabila se verra obligé de recourir à la corruption pour imposer son candidat à la tête de cette riche province.(11) Ce nouvel homme lige aura pour mission essentielle d'écraser toute tentative de protestation ou de revendication de la part des Bakongo et d'effacer de cette province jusqu'à l'ombre même de son adversaire Jean-Pierre Bemba.
Préparatifs pour un double massacre
A cette fin, une équipe composée d'hommes sûrs capables d'agir sans état d'âme sera placée à la tête de la province. Simon Mbatshi Batshia secondé par Déo Nkusu Kunzi Bikawa dirigera l'exécutif. A l'assemblée, Josiane Mfulu Massaka occupera le poste de vice-présidente aux côtés d'une ancienne barbouze mobutiste habituée du double jeu. A la tête de la police, l'ancien chef des Services spéciaux de la police à Kinshasa surnommé le bourreau de Kin-Mazière, Raüs Chalwe en personne, promu pour la circonstance au grade de général, assurera la coordination des forces de sécurité de la province. Durant la brève transition préludant à la mise en place des nouveaux animateurs des institutions provinciales, un autre homme de confiance, Jacques Mbadu, prendra la tête de l'exécutif.
S'étonnera-t-on dès lors que ce soit sous le mandat de ce commando de choc qu'aura lieu le double massacre des membres de Bundu dia Kongo en particulier et des Bakongo en général? Mais, on n'en est pas encore là...
Car, avant que le décor ne soit définitivement planté, il faut encore passer par l'élection du gouverneur de province. En janvier 2007, Fuka Unzola et Ne Muanda Nsemi, tous deux grands vainqueurs des élections législatives respectivement à Matadi et Luozi, leurs fiefs électoraux, se présentent sur un même ticket pour l'élection de gouverneur et vice-gouverneur du Kongo Central. Alors qu'ils sont donnés pour favoris face au tandem Mbatshi Batshia/Nkusu Kunzi, candidats de la majorité présidentielle, les deux élus de l'opposition sont battus devant une assemblée provinciale dominée par l'opposition, face à deux illustres inconnus qui n'avaient même pas osé affronter la population aux élections législatives. Il ne faut pas être grand sorcier pour comprendre que seuls les dollars qui paraît-il avaient coulé à flots dans l'hémicycle, ont guidé le choix des membres de la jeune assemblée provinciale, jetant dès le départ le discrédit sur cette nouvelle institution de la province.
Ne Muanda Nsemi décide alors de contre-attaquer en organisant une marche pacifique de protestation à Matadi d'abord, à Luozi ensuite. Pour le pouvoir, laisser les deux poids lourds de l'opposition au Kongo Central mobiliser la population, c'était placer le mandat de ses poulains sur des bases chancelantes. En outre, Kinshasa ne pouvait se permettre de perdre le contrôle de cette riche province pourvoyeuse à 50% du budget national. Bien plus, depuis l'aventure rwandaise au Kongo Central en 1998 (13), Kinshasa avait pris l'exacte mesure de l'importance stratégique de cette province qui abrite notamment le seul gisement pétrolier du pays en cours d'exploitation, le barrage hydraulique d'Inga ainsi que les ports de Boma et Matadi, unique voie d'accès de la RDC par la mer. Pour Kabila et son brain trust constitué principalement de Denis Kalume, ministre de l'Intérieur, et de John Numbi, chef de la police nationale, le moment était venu de frapper un grand coup destiné à mater une fois pour toutes la population de cette province qui avait basculé dans l'opposition.
Pour ce faire, un double massacre est plannifié. Le premier aura pour théâtre Matadi, la capitale frondeuse de la province, fief électoral de Léonard Fuka Unzola, le second Luozi, celui de Ne Muanda Nsemi, avant de s'étendre sur toute la province.
Acte 1er : Matadi, 31 janvier - 1er février 2007
Tout donne à croire que pour ce premier round des massacres du Kongo Central, le gouvernement central s'est laissé surprendre. A tout le moins, il a été obligé d'agir dans la précipitation et d'improviser sa riposte pour empêcher l'organisation d'une marche pacifique des membres de BDK prévue le 1er février à Matadi. A cette fin, Ne Muanda Nsemi a installé son QG dans une résidence qu'il a louée au quartier Buima. Situé à l'entrée de la ville, ce quartier abrite également la résidence du député Fuka Unzola, ci-devant gouverneur du Kongo Central et candidat malheureux à la dernière élection gouvernorale.
Personnellement je n'ai pas eu vent des préparatifs de l'événement, alors que les bureaux de l'ACP situés au cœur de la ville portuaire sont un véritable centre de capture de l'information au Kongo Central. Un de mes journalistes, Joseph Babata, qui est un proche de Fuka Unzola et qui au moment des événements se trouvait en visite familiale à la résidence de ce dernier, soutient que ni le député ni son entourage n'étaient au courant de ce qui se tramait.
Vers 19 heures, heure locale, des coups de feu éclatèrent non loin de mon domicile au quartier Coca-Cola situé en face du quartier Buima, de l'autre côté de la Route de Matadi. J'accourus aussitôt dans la direction où convergeaient déjà quelques curieux. Arrivé au bord de cette chaussée qui relie la ville portuaire à la capitale Kinshasa, j'observe un mouvement de foule se dirigeant vers la ville. Je téléphone à un ami qui oeuvre dans les services de sécurité de la ville pour avoir des informations plus précises que les rumeurs qui bourdonnent autour de moi.
J'apprends ainsi qu'un groupe de policiers - en fait une cinquantaine - avait été dépêché au QG de BDK au quartier Buima pour se saisir d'un important stock d'armes que Ne Muanda Nsemi y aurait entreposé. Mais l'information s'avéra fausse. En fait d'armes, on ne trouva que des bouts de bois en forme d'épée, des cailloux et des noix (13). Cependant, alors qu'il rentrait un peu penaud, ce commando est tombé dans une embuscade tendue par des membres de BDK. Profitant de l'effet de surprise, ceux-ci les rouèrent de coups, tuant l'un d'eux et en blessant d'autres. Les policiers ont riposté en tirant à l'aveuglette, avant d'aller dresser une barrière au niveau du rond-point. "N'y va surtout pas", me conseilla l'ami. Pas la peine de me le dire! En fait la place s'était déjà vidée, les gens préférant se terrer dans les maisons, plutôt que de risquer d'attraper une balle perdue, car ça continuait à tirer.
On apprendra le lendemain seulement que des renforts en hommes et en armes étaient arrivés de Kinshasa et que des violences avec mort d'hommes avaient éclaté la même nuit ainsi que le lendemain dans plusieurs villes et localités de la province. A Boma notamment, à Muanda et à Songololo. Dans tous ces endroits, sauf à Boma, il semble que ce sont les membres de BDK qui avaient pris l'initiative des "hostilités", en organisant des marches de protestation, allant jusqu'à brûler des édifices publics comme à Muanda. A Boma, par contre, ce sont les soldats venus de Kinshasa qui ont ouvert le feu sur les membres de BDK rassembés pour la prière dans leur ziku. Mais, tous les témoignages sont unanimes pour affirmer que partout, les membres de BDK ne portaient pas d'armes.
A Matadi, les journalistes de l'ACP ont dénombré une vingtaine de morts à la morgue de l'hôpital général de Kinkanda, dont un policier. Mais, selon certaines estimations, le bilan des morts à Matadi dépasserait la centaine, sans parler des nombreux blessés graves.
Ainsi, le reproche adressé au gouvernement d'avoir fait un usage disproportionné de la force est parfaitement fondé. En regard du prétexte - une fouille infructueuse qui pouvait même être considérée comme une provocation de la part du pouvoir suivie d'une embuscade - , l'on ne pouvait déployer un tel appareil de guerre constitué de quelques centaines de policiers et de soldats munis d'armes lourdes, au lieu d'un équipement propre à maîtriser des manifestants sans armes.
En son temps, l'ancien gouverneur Tsatsa di Ntumba avait eu à affronter des situations plus dangereuses, qu'il avait su traiter avec un minimum de dégâts collatéraux. Par contre ici transparaissait déjà de la part du gouvernement congolais l'intention d'en finir avec BDK et les Bakongo, de les écraser. Cependant, si ce projet funeste se lit encore en filigrane dans le premier acte de cette tragédie, il se montre, dans le deuxième, sous son vrai jour. Celui d'une vendetta personnelle du chef de l'Etat congolais déguisée en opération de restauration de l'autorité de l'Etat. Et, comme l'a si bien dit un député national Mukongo de l'opposition, Gilbert Kiakwama, au ministre de l'Intérieur Denis Kalume : "Comment pouvez-vous prétendre rétablir l'autorité de l'Etat dans une zone où celle-ci est inexistante?" (15)
Acte 2ème : Luozi, février-mars 2008
Au lendemain (mars 2007-février 2008) des événements malheureux décrits ci-dessus, on observe un faisceau d'éléments significatifs qui laissent présager quelque chose d'assez grave. On peut relever notamment les faits ci-après :
la multiplication d'actes d'insubordination affichée contre l'autorité de l'Etat ou d'exactions contre les personnes et leurs biens de la part de BDK;
l'interdiction de fait imposée à Ne Muanda Nsemi de circuler dans la province, de sorte qu'il ne peut plus contrôler son mouvement au Kongo Central;
la campagne médiatique du gouvernement provincial contre BDK qualifié d'"organisation terroriste"; l'augmentation de la pression du gouvernement du Kongo Central sur les représentants du gouvernement central pour neutraliser la menace de BDK;
la promotion au grade de général de Raüs Chalwe suivie de sa nomination à la mi 2007 comme chef de la police au Kongo Central;
l'envoi au Kongo Central des unités de la police civile de la Monuc à l'approche du premier anniveraire des massacres de février 2007, suivi de leur rappel subit fin février 2008, dans le but de "répondre aux besoins dans l'est du Congo et dans d'autres régions instables" (HRW, p. 83).
Tous ces faits annoncent qu'une nouvelle répression, plus musclée et mieux préparée, est en vue. A plusieurs reprises Ne Muanda Nsemi ou certains de ses collègues députés dénoncent sa mise en résidence surveillée camouflée dans la capitale. Il se plaint également que les exactions sur la population mises à la charge des membres de BDK étaient en réalité l'oeuvre des infiltrés chargés de discréditer son organisation. Quant à la campagne médiatique du gouvernement provincial, je suis personnellement bien placé pour affirmer qu'elle était orchestrée par le cabinet du gouverneur de province à travers une agence de presse bien connue. Celle-ci, qui ne s'embarrassait guère de professionnalisme et de déontologie journalistiques, n'a pas hésité à fabriquer des faux documents incriminant Bundu dia Kongo (14). Enfin, l'envoi puis le retrait d'une unité de police de la Monuc ne sont pas des faits aussi anodins qu'il y parait à première vue. A l'époque en effet c'est bien le diplomate américain William Swing qui était le patron de la Monuc; Kabila venait alors de céder l'exploitation des mines de Tenke-Fungurume aux Etats-Unis, moyennant un contrat avantageux pour le gouvernement américain; or, il n'existait à ce moment-là précis aucune urgence sécuritaire à l'est du pays nécessitant le rappel de la police onusienne du Kongo Central. Ainsi, tout concourt à valider la thèse de la préméditation de la répression qui allait bientôt suivre.
Silence! On tue!
Curieusement, malgré tous les actes de "terrorisme" mis à charge des "makesa" de BDK par le gouvernement provincial, aucune arrestation ni poursuite judiciaire n'avait jamais été ordonnée contre leurs auteurs présumés. Par ailleurs, parallèlement à tous ces faits, on a observé, quelques jours avant les événements sanglants de Luozi, un véritable ballet diplomatique à Kinshasa et au Kongo Central. A plusieurs reprises, le gouverneur du Kongo Central s'était rendu dans la capitale pour rencontrer le ministre de l'Intérieur, maître d'oeuvre de l'opération projetée.
Le 26 février 2008 a lieu une rencontre importante organisée par Gilbert Kiakwama entre le leader de BDK Ne Muanda Nsemi et les responsables religieux du Kongo Central. Elle sera sanctionnée par une déclaration commune de respect mutuel et d'engagement à la non-violence. Le même jour, le président Joseph Kabila rencontre à Kinshasa les membres du conseil de sécurité de l'Etat pour examiner la situation sécuritaire de cette province.
Tout se passe comme dans une pièce de théatre. Comme dans le drame de Jean Anouilh Antigone, par exemple. Tout le monde sait ce qui va se passer, mais personne n'est capable de l'empêcher. Antigone - pardon, Ne Muanda Nsemi devrais-je dire, sait qu'il va bientôt mourir. Que plusieurs membres de son église vont bientôt périr dans une opération purement politique. Mais que personne ne peut plus arrêter la machine infernale de l'Etat...
La veille du jour fixé pour ce massacre planifié, Mbatshi Batshia a pris part à deux réunions importantes à Matadi. Deux réunions aux objectifs diamétralement opposés. La première, celle du conseil de sécurité de la province, se tient comme d'habitude sous sa présidence. Là sont arrêtés les derniers détails du complot d'Etat ourdi contre les Bakongo. Il sort de ce sanhédrin dans un état d'excitation extrême. Tous les représentants des institutions provinciales y ont pris part. Tous sauf le président de l'assemblée provinciale, Kimasi Matuiku.
Ce dernier qui s'était fait représenter par son adjointe, Josiane Mfulu Massaka, avait instamment prié le gouverneur de province de le rejoindre à sa résidence. Mbatshi Batshia s'y rend immédiatement après la réunion du conseil de sécurité et y trouve rassemblés tous les notables Kongo ainsi que les représentants de la société civile. C'est une rencontre informelle, mais très importante placée sous la direction du président de l'assemblée provinciale. Excité comme un chien de chasse qui sent déjà l'odeur du sang, Mbatshi se lance dans une diatribe incendiaire contre Ne Muanda Nsemi et Bundu dia Kongo. La conclusion de son réquisitoire est sans appel : il faut les mettre tous hors d'état de nuire.
Les autres l'écoutent en silence. Quand il a eu fini, le gouverneur se rend compte que ce silence n'était pas celui de l'adhésion, mais plutôt de la réprobation. Les notables Kongo lui font voir qu'en ouvrant les portes de la bergerie aux loups, il ouvrait en même temps la boîte de Pandore. Il le conjurent de ne pas verser le sang de ses frères et le supplient de convaincre Kabila de renoncer à son funeste projet. Ébranlé, Mbatshi est au bord de l'effondrement. On sent qu'il vient enfin de mesurer à la fois sa responsabilité personnelle dans cette affaire, et la pronfondeur de l'abîme où l'a précipité sa soif de vengeance contre Ne Muanda Nsemi. Celui-ci en effet n'a cessé de le défier en public en le traitant de voleur. "Tu as volé mes voix", lui a-t-il lancé un jour en face. Mbatshi Batshia ne l'a jamais oublié, encore moins pardonné. Voilà qu'il tenait enfin sa revanche. Mais là, devant cet aréopage, il bafouille, bredouille quelques vagues promesses, laissant entendre qu'il allait tenter de faire quelque chose...Tout en sachant qu'il était trop tard, que le rubicond était déjà franchi.
Voici comment le décrit un témoin qui a participé à cette réunion : "Il y avait en lui comme deux bonshommes. Le premier bonhomme est entré dans la réunion plein d'entrain et de morgue. Comme sous l'emprise de la drogue. Le second en est ressorti complètement dégonflé et désemparé". Pour autant, la même nuit, Mbatshi Batshia était en route pour Luozi où devaient le rejoindre ses maîtres. Le sort en était décidément jeté!
Vendredi, 29 février 2008. Toute la province retient son souffle. Tout le monde sait que c'est le jour J. La veille, plusieurs camions militaires bourrés d'engins de guerre et de soldats ont été vus à Kimpese où ils ont fait escale pour les dernières dispositions. Il y avait là des soldats et des policiers. Plus ou moins 500. Peut-être davantage. Les militaires ont, sous les regards des badauds, troqué leur uniforme contre celui des policiers. Et puis ils sont repartis la nuit en direction de Luozi. L'opération restauration de l'autorité de l'Etat était lancée.
Vendredi matin, je suis dans mon bureau lorsque le téléphone sonne. C'est le directeur général de l'ACP qui me demande des "nouvelles fraîches". Je lui balance les bribes d'informations en ma possession, tout en lui expliquant que je n'avais pas été autorisé à accompagner le gouverneur. Aucun journaliste ne l'avait été d'ailleurs. Il me demande alors d'appeler le gouverneur et de suivre le déroulement des événements! Je trouve ça surréaliste, mais je m'exécute. C'est le conseiller du gouverneur qui me répond. Il me demande d'attendre, puis : "Rappelez plus tard". J'appelle aussitôt le vice-gouverneur. Il décroche. D'une voix grave, étouffée (une voix de circonstance, me dis-je), il me demande d'attendre, de ne pas couper et laisse le téléphone ouvert. J'entends des coups de feu. Des cris. Des pleurs. Des jurons. Puis la communication est coupée. Je suis submergé par l'émotion. Mes mains tremblent légèrement. Je viens de suivre en direct le massacre de la population de Luozi. Machinalement, je recommence l'opération. On ne décroche pas. Silence radio. Mais je sais désormais que là-bas, à quelque 200 kilomètres de Matadi, les armes continuent à parler. Et des gens - hommes, femmes et enfants - sont en train d'être fauchés, comme on fauche l'herbe des champs.
Samedi matin. Depuis 24 heures, le carnage se poursuit sans désemparer. La cité de Luozi, réduite en un tas de décombres fumants, est vidée de ses habitants. Un grand nombre a péri. D'autres ont fui dans la brousse ou la forêt proches. Les balles, dit-on, ne choisissent pas leur victime. Hommes ou femmes, vieillards ou enfants, BDK ou pas, tout est bon pour le succès de l'opération. Ce sont les instructions. Depuis ce matin, les soldats se sont déployés à travers tout le territoire, incendiant les ziku, détruisant les maisons d'habitation, pourchassant et achevant les fugitifs.
Vers la fin de la matinée, Denis Kalume en personne est arrivé en hélicoptère, en compagnie du chef de la police nationale John Numbi, avec des cartons de médicaments. Après le bâton, la carotte. Le téléphone sonne. C'est encore le directeur de l'ACP. Tout excité par la perspective du scoop, il m'enjoint de solliciter un entretien avec le gouverneur dès son retour.
Dimanche matin, je téléphone au gouverneur. C'est encore le conseiller qui me reçoit. Moi : "Je peux maintenant parler au gouverneur?". Réponse : "Le gouverneur assiste à la messe à Kimpese. Rappelez plus tard". Ah! J'avais oublié que Mbatshi Batshia était un fervent catholique, qui se destinait dans sa jeunesse à la prêtrise. Il a fait ses études secondaires au petit séminaire de Kibunzi, dans le territoire de Luozi où il compte aujourd'hui encore plusieurs familles amies. Content d'avoir fait sa part du sale boulot, il a laissé les soldats continuer à faire la leur. Sans état d'âme.
Des semaines et des mois après ce massacre, les membres de BDK et la population du Kongo Central en général qui avaient trouvé refuge dans les forêts, ont continué à faire l'objet d'une traque systématique. Dans les cités et localités, la délation était encouragée et la chasse aux sorcières battait son plein. Des dizaines d'individus ont été arrêtés et jetés en prison sous l'inculpation d'être des makesa. Aujourd'hui encore la population du Kongo Central reste traumatisée et profondément divisée à la suite de ces événements.
Epilogue
En février 2007, le gouvernement congolais, pris de vitesse par BDK, avait eu une réaction à chaud, peu élaborée, marquée d'une certaine maladresse. C'est cette dernière qui est en partie responsable de l'usage jugé disproportionné de la force. Dans sa 2ème phase, en 2008, le massacre de Bundu dia Kongo se présente comme un remake revu et corrigé dont la préparation, on l'a vu, a bénéficié d'une attention vigilante de la part des stratèges du gouvernement. L'opération porte un nom qui en exprime l'objectif officiel : restauration de l'autorité de l'Etat. Et on a pris soin de multiplier les actes de défi, de provocation voire d’insubordination aux pouvoirs publics de la part de BDK, pour justifier l'usage de la force.
Fait plus significatif encore, cette fois le gouvernement a décidé d'user de dissimulation, en tentant d'effacer les traces du crime et d'en minorer l'ampleur. Ainsi, les corps des victimes étaient soit immédiatement enterrés dans des fosses communes, soit jetés dans le fleuve et les cours d'eau, après avoir été préalablement éventrés et vidés de leur contenu (estomac, intestins), afin qu'ils ne remontent pas à la surface.
Mais comme le crime parfait est difficile à réussir! En effet, malgré tout son "professionnalisme", le gouverneur du Kongo Central, maître de l'ouvrage, n'y est pas parvenu. Par exemple, comment prévoir que quelques corps récalcitrants resteraient accrochés aux herbes, aux branches d'arbres ou aux pierres, dans leur ultime voyage vers l'Océan Atlantique? Ou l'odeur pestilentielle des corps en décomposition inhumés à la hâte à fleur de sol? Ou encore la pollution, par tous ces cadavres en putréfaction, des eaux de sources et rivières au risque de provoquer des épidémies imprévisibles difficiles à combattre? Sans compter que les paysans qui commencent à s'agiter, entrent déjà en contact avec des ONG nationales et internationales de droits de l'homme, quand ce n'est pas avec des députés de l'opposition. Que de problèmes à gérer à la fois!
Mais, Mbatshi Batshia n'est pas à court d'imagination. Avec un zèle infatigable, il devance les maudits enquêteurs qui pullulent déjà dans la province comme des mouches attirées par quelque pourriture et anticipe sur les inquiétudes du gouvernement central. Des escouades de policiers sont envoyés sur les lieux du crime. Elles sont chargées de décrocher les cadavres récalcitrants de leurs branches, de vider les fosses communes de leur contenu, de ré-inhumer les corps dans des endroits moins accessibles. Bref, d'effacer toute trace compromettante.
Certes, on est loin encore de la solution finale imaginée par les nazis, mais Mbatshi Batshia s'efforce de faire de son mieux, n'est-ce pas? Et, pour être sûr que cette fois-ci le travail sera bien fait, il veille à ce qu'il le soit sous l’œil vigilant de ses hommes de main, des jeunes gens de son cabinet qui lui sont dévoués et qu'il manipule à volonté.
Mais, de ce scénario macabre, une séquence mérite d'être retracée au détail. Elle se déroule au mois d'avril, à Manterne, localité située à 22 kilomètres de Boma. Alors qu'il se rend, ce 1er avril 2008, à Matadi, siège des institutions de la province, le député de l'opposition Paku Mapangula se voit interpellé par un groupe de paysans qui entourent son véhicule. Ils se plaignent des odeurs nauséabondes provenant d'un endroit situé non loin d'un cours d'eau. Ils prétendent que les autorités politico-administratives et policières locales alertées par eux font la sourde oreille. L'élu de Boma visite le site indiqué et prend des dispositions pour que celui-ci soit sécurisé par la police locale jusqu'à son retour.
Quelque temps après, des policiers se présentent de la part de l'autorité urbaine de Boma et ordonnent à tout le monde, en particulier à un activiste de la Croix-Rouge/Matadi nommé Patrick Otshudi, de déguerpir. Tout le monde s'exécute. Sauf l'activiste de la Croix-Rouge qui, soupçonnant quelque manœuvre du pouvoir, se cache dans les fourrés.
Entre-temps, à Matadi, le député Paku Mapangula s'active. Mais il n'est pas facile de mettre en branle la machine administrative de l'assemblée provinciale. Lorsque, après avoir négocié la dernière signature à Matadi puis à Boma, il y parvient enfin , il est déjà tard. Finalement, c'est le lendemain seulement que la commission d'enquête parlementaire qu'il préside se mettra au travail sur le site abritant la fosse commune présumée.
De prime abord, quelques faits troublants attirent l'attention des membres de la commission. Notamment l'absence des policiers commis à la sécurisation des lieux. D'autre part, Paku Mapangula qui avait déjà visité les lieux la veille constate que l'herbe qui avait repoussé sur le site a disparu et que la terre semble avoir été fraîchement remuée. Enfin, non loin du site, les membres de la commission notent la présence insolite d'une charrette ainsi que les vestiges d'une légère collation : une canette de bière neuve gisant à côté d'un paquet de biscuits vide.
Sur place, il y a aussi, ne l'oublions pas, Patrick Otshudi qui n'a pas fermé l’œil de la nuit. C'est un témoin capital que, à ma demande, le journaliste Joseph Babeta a amené au bureau de l'ACP pour un entretien dans le cadre de mon travail. Je le connaissais vaguement pour l'avoir déjà rencontré une ou deux fois. Je l'ai donc reçu dans mon bureau vers la mi-avril 2008.
"J'ai assisté personnellement à l'exhumation des corps", me confie-t-il d'entrée de jeu. Je jette un regard autour de moi, regrettant que malgré les portes fermées, mon humble cagibi n'offrît aucune garantie de discrétion, et donc de sécurité. Je demande à mon interlocuteur de continuer son récit à voix basse. Ce qu'il me raconte alors est digne d'un film d'horreur.
"Ils sont arrivés aux environs de minuit dans deux véhicules, deux pick-up 4x4 du gouvernement provincial probablement. Il y avait en tout une dizaine d'hommes, des policiers et des civils. Parmi les civils, j'ai reconnu le conseiller du gouverneur Germain Kuna." Je regardais mon informateur avec stupeur. "Est-ce que vous avez dit tout ceci à la commission?", lui demandai-je. Il ne me répondit pas. Son attitude me paraissait quelque peu étrange : circonspecte et déterminée à la fois. J'étais décontenancé. C'était trop fort.
"Continuez!" lui dis-je. Il continua son macabre récit. "Après avoir soigneusement vérifié l'endroit, ils ont sorti des pelles et se sont mis au travail. La terre n'était pas trop dure, car ils travaillaient vite, avec une certaine aisance". "Et Germain?", interrompis-je. "Il suivait la scène adossé à un des véhicules à quelques mètres de là." "Que faisait-il?" "Il mangeait des biscuits et buvait du Coca-Cola".(D'où la présence de la canette de bière sans doute). Incroyable! " Que ce qui s'est passé ensuite?" "Ils ont atteint les corps assez vite et ont commencé à vider la fosse. J'étais toujours dans ma cachette et ça sentait horriblement mauvais. "Combien y avait-il de corps?" Ici, Patrick n'est pas précis. "Je ne sais pas. Une dizaine? peut-être une quinzaine", dit-il. Il se trouvait un peu loin et les fossoyeurs disposaient d'une charrette sur laquelle ils empilaient les corps avant d'aller les jeter dans la camionnette.
J'étais littéralement accablé par ces révélations. Jamais je ne me serais représenté le gouverneur Mbatshi Batshia sous les traits du personnage sulfureux que me décrivait mon informateur. Et Germain Kuna donc! Ce jeune homme au front lisse et au sourire bénin qui n'avait pas l'âge de mon fils! Et Déo Nkusu, le vice-gouverneur, cet histrion! Leur but : minorer les chiffres du bilan, minimiser l'ampleur des violences, effacer les traces. L'obsession du crime parfait, quoi!
Brusquement, j'ai pris conscience qu'à partir de ce moment, j'étais devenu dépositaire d'une information capitale que j'avais l'obligation professionnelle et la responsabilité morale de délivrer. Mais où et comment? Je faisais mentalement le tour des possibilités que m'offrait ma position de journaliste d'un média public... En même temps, je compris également que ma vie était désormais en danger à cause de tout ce que je savais sur cette ténébreuse affaire.
Poursuivant imperturbablement son récit, Patrick confirma involontairement mes craintes. "Dernièrement, j'ai reçu une invitation du gouverneur de province à me rendre à sa résidence. Là, il m'a invité à partager son repas en compagnie de son épouse. J'ai pris place à table, mais j'ai refusé de manger. J'ai prétexté que je n'avais pas faim, que je venais à peine de manger." J'en étais presque à me demander si ce garçon n'était pas en train d'affabuler, que ce n'était pas un mythomane. Mais, Patrick était sérieux comme un expert déposant sous serment dans une cour d'assise. "Pourquoi as-tu refusé?" demandai-je. "Je sais qu'il pouvait m'empoisonner" répondit calmement Patrick avant de poursuivre : "Sa femme me dit d'un ton hautain : "Que crains-tu? Ne sais-tu pas que si on voulait te faire du mal, on l'aurait fait depuis longtemps." "Le gouverneur me posa un tas de questions sur moi. Puis il me questionna sur l'affaire de Manterne." "Et puis?" "Je lui ai dit que j'avais accompagné la délégation parlementaire pour faire mon travail d'activiste de la Croix-Rouge. Puis il m'a dit brusquement : "Sais-tu que je peux te faire jeter en prison ou même te faire disparaître si tu parles à tort et à travers sur ce que tu sais?" Patrick poursuivit : "Je lui ai répondu que je ne peux pas parler à tort et à travers, puisque je suis tenu par mon serment d'activiste de la Croix-Rouge, et que c'est elle qui assure ma protection." "Et qu'a-t-il dit?" "Rien. Il m'a offert de l'argent à la fin de l'entretien. J'ai refusé en lui disant que je serais sévèrement sanctionné si cela arrivait aux oreilles de mes chefs et il m'a laissé partir." "Votre vie est en danger", lui dis-je. "Je sais, dit-il, mais je n'ai pas peur".
Patrick Otshudi avait une quarantaine d'années, une femme et des enfants. Il travaillait au tibunal de grande instance comme auxiliaire judiciaire, je crois. Il n'était pas Mukongo. Il devait être Mutetela. Une ethnie du Kasaï, au centre de la RDC. L'ethnie de Patrice Lumumba. Il s'était quasiment sacrifié pour les Bakongo.
Lorsque, par acquit de conscience, les membres de la commission parlementaire ont quand même procédé à l'ouverture de la fosse à Manterne, ils ont eu à constater qu'il n'y avait pas le moindre cadavre à l'intérieur. A la place, ils ont trouvé des braises sèches (16) ainsi qu'un lambeau de peau de la plante de pied d'un homme. Ca grouillait de vers et ça empestait à des lieues à la ronde, attestant que des corps en putréfaction y avaient séjourné...
Je ne sais pas ce qu'est devenu Patrick Otshudi. Aux dernières nouvelles, cela fait des mois depuis qu'il a été vu à Matadi. Le député de l'opposition Paku Mapangula a, quant à lui, été tué peu de temps après dans un accident de la circulation sur la route Boma-Matadi, non loin de la localité de Manterne. Plus tard, à des kilomètres de là, dans la périphérie de Kinshasa, un autre activiste des droits de l'homme, Floribert Chebeya, a été assassiné pour avoir voulu porter cette affaire devant une juridiction internationale. Son assassin présumé, l'ancien patron de la police nationale John Numbi, a écopé d'une simple suspension en raison de son implication dans ce meurtre. Mbatshi Batshia a quitté la province pour aller remplir son mandat de député national à Kinshasa. Il a été remplacé par Jacques Mbadu, un vieux connaisseur du dossier BDK pour avoir été le maître de l'ouvrage lors du massacre de 2007. Le bourreau de Kin-Mazière, le général Raüs Chalwe, vient d'être promu aux côtés du nouveau patron de la police congolaise dont il est l'adjoint. Quant au ministre de l'Intérieur, Denis Kalume, il semble avoir pris sa retraite et coule des jours tranquilles en Afrique du Sud. BDK a été frappé d'interdit en RDC et son leader Ne Muanda Nsemi a échappé de justesse à une procédure de levée d'immunité parlementaire. Il a déposé une plainte à la CPI pour génocide contre le peuple Kongo. Mais, depuis, aucun signal n'émane de cette juridiction internationale en proie à une multitude d'influences occultes.
____________________________________________________________________
NOTES
(1) N'longi a Kongo, titre que s'attribue Ne Muanda Nsemi, signifiant : Enseignant ou Instructeur de Kongo, Maître de Kongo.
(2) Kongo Dieto, titre du journal de l'Abako : Notre Kongo.
(3) Ngounziste, du kikongo ngunza, prophète
(4) Le Messianisme kongo est connu pour remonter au XVIIIè siècle avec Kimpa Vita, alias Ndona Béatrice. Au début du XXè siècle, il a connu sa pleine expression avec Simon Kimbangu. Bundu dia Kongo est le dernier avatar de ce mouvement où se mêle revendications politiques et expression religieuse.
(5) Makesa, disciples chez BDK, littéralement : guerrier.
(6) Zikwa, zikua ou ziku, foyer, lieu de prière chez BDK, temple.
(7) Classification empruntée à Werner Gerson, Le nazisme société secrète. Ed. J'ai lu.
(8) Kongo Central ou Kongo dia Kati en kikongo (littéralement Kongo du Milieu) évoque la partie centrale de l'ancien royaume de Kongo qui s'étendait de l'Angola au Congo-Brazza.
(9) Mongo, sous-ethnie faisant partie de la grande ethnie anamongo dont l'aire culturelle occupe le Kasaï, l'Equateur et le Maniema.
(10) On va vous écraser, parole attribuée au général Raüs Chalwe et repris en titre par HRW dans son rapport sur ces événements.
(11) Conformément à la loi électorale congolaise, les membres élus des assemblées provinciales élisent à leur tour les gouverneurs et vice-gouverneurs ainsi que les sénateurs.
(12) En 1998, le Rwanda avait attaqué la RDC par l'Ouest et occupé le site d'Inga.
(13) Les makesa ne portent ni armes à feu ni armes blanches, contre lesquelles ils sont convaincus de jouir de l'invulnérabilité. Pour leur part, ils ne portent en guise d'armes que des bâtons, des cailloux et des noix.
(14) Au cours de la période précédant le massacre, la RTNC/Bas-Congo a diffusé et rendu public à la demande des services du gouvernorat du Bas-Congo un document présentant un supplicié à qui on aurait coupé le sexe par des membres de BDK. Ce document a également servi de "preuve" au ministre de l'Intérieur Denis Kalume lors de sa "démonstration" devant le congrès au palais du peuple de Kinshasa. Tout oeil un peu exercé peut déceler que ce document est un pur montage. Il a été réalisé dans les locaux de l'agence Infobascongo appartenant au conseiller en communication Germain Kuna.
(15) Déclaration de Kiakwama à Denis Kalume citée par Human Rights Watch dans son rapport de novembre 2008 sur ces événements.
(16) "Braises sèches", la précision est importante, car dans ces contrées couvertes de forêt, la population fabrique encore des braises selon une technique ancienne consistant à aménager des fours souterrains. La présence de braises sèches attestent que celles-ci ne sont qu'un subterfuge destiné à créer la confusion.